Sommet des Amériques: Cuba plébiscitée, les États-Unis isolés

Édité par Peio Ponce
2014-11-17 14:49:55

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Par Salim Lamrani

Tiré d'Opera Mundi

Malgré les multiples pressions des Etats-Unis, l’Amérique latine refuse d’organiser le prochain Sommet des Amériques sans la présence de Cuba.

Pour la première fois de son histoire, le prochain Sommet des Amériques qui aura lieu en mai 2015 au Panama pourra compter sur la présence de Cuba, ostracisée depuis le triomphe de la Révolution de 1959 par les États-Unis avec son expulsion de l’Organisation des États américains (OEA) en 1962. La Havane n’avait pas pu participer aux précédentes éditions de 1994, 1998, 2001, 2005, 2009 et 2012. Cette septième rencontre, qui réunit les 34 pays membres de l’OEA tous les trois ou quatre ans, fait suite au Sommet de Carthagène (Colombie), d’avril 2012, où des débats virulents avaient opposé les États-Unis (soutenus par le Canada) et l’Amérique latine qui n’acceptait pas l’absence de Cuba. Les nations du continent avaient unanimement convenu qu’aucune autre réunion ne pourrait avoir lieu sans la présence du gouvernement de La Havane, isolant ainsi Washington.

Durant des décennies, Cuba s’est retrouvée isolée suite aux pressions de la Maison Blanche. Ainsi, en 1962, toutes les nations, du Canada à l’Argentine, avaient rompu leurs relations avec La Havane, à l’exception notable du Mexique. Aujourd’hui, tous les pays du continent disposent de relations diplomatiques et commerciales normales avec Cuba, à l’exception des États-Unis.

Washington a multiplié les pressions sur le Panama afin que Cuba ne soit pas invitée en avril 2015. En plus des intenses tractations diplomatiques directes, les États-Unis ont émis plusieurs déclarations publiques s’opposant à la participation de La Havane au prochain Sommet des Amériques. Le Département d'État, par le biais du secrétaire d'État pour les Affaires de l’hémisphère occidental, Roberta Jacobson, a réitéré son opposition à la présence de l’île.

            Juan Carlos Varela, Président du Panama, n’a pas cédé aux pressions étasuniennes et a réaffirmé sa volonté d’accueillir Cuba. « L’Amérique est un seul continent et inclut Cuba. Il faut respecter cela. La ministre des Affaires étrangères, Isabel de Saint-Malo, l’a notifié au secrétaire d'État John Kerry lors de sa visite à Washington […]. Tous les pays doivent être présents. […] La participation de Cuba est importante car elle pourrait apporter beaucoup au débat sur les situations politiques. Par exemple, les négociations pour la paix en Colombie se déroulent à La Havane ».

            Le Panama a même symboliquement dépêché Isabel de Saint Malo, Vice-présidente de la République et également ministre des Affaires étrangères, à Cuba pour faire part de l’invitation au Président Raúl Castro. « La famille américaine serait incomplète sans Cuba. En tant qu’hôte, le Panama a fait part de son souhait de compter avec la présence de tous les pays. Puisque le Sommet est celui des Amériques et que Cuba est un pays des Amériques, pour que la participation soit totale, la présence de Cuba est nécessaire. Si vous invitez votre famille à déjeuner et que vous mettez de côté un membre, la famille n’est pas complète. », a déclaré Isabel de Saint Malo. De son côté, Martín Torrijos, Président du Panama de 2004 à 2009, a salué le « triomphe collectif » de l’Amérique latine qui a su résister aux pressions en provenance du Nord.

Même Miguel Insulza, secrétaire général de la très docile Organisation des États américains, a fait part de son souhait de voir Cuba au Sommet : « Il n’y a aucun motif légal » qui empêche la participation de La Havane. Insulza a rappelé qu’il était temps pour les États-Unis « d’essayer autre chose » après plus d’un demi-siècle de politique hostile vis-à-vis de l’île de la Caraïbe, et d’opter pour le « dialogue ».

Lors du dernier Sommet de 2012, plusieurs pays tels que l’Argentine, le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua, avaient conditionné leur participation à l’édition de 2015 à la présence de Cuba. En mai 2014, les membres de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui regroupe 12 nations, a rendu publique une déclaration exprimant « sa volonté que la République sœur de Cuba soit présente au prochain Sommet des Amériques de façon inconditionnelle et sur un plan d’égalité ». De la même manière, Haïti et le Nicaragua ont partagé ce point de vue. Selon Managua, « un Sommet des Amériques sans Cuba n’est pas un sommet des Amériques».

L'Équateur avait déjà boycotté le Sommet de Carthagène de 2012. Son Président Rafael Correa en avait expliqué les raisons : « Un Sommet des Amériques sans Cuba est inadmissible, tout comme était inadmissible une Organisation des États américains sans Cuba ». En 2009, l’OEA avait décidé d’abroger la résolution relative à l’exclusion de l’île. « L’Amérique latine ne peut tolérer cela. J’ai décidé que tant que je serai Président de la République d'Équateur, je n’assisterai plus à aucun Sommet des Amériques », sans la présence de Cuba, a-t-il ajouté.

La solidarité exprimée par l’Amérique latine vis-à-vis de Cuba est emblématique de la nouvelle ère que traverse le continent depuis une quinzaine d’années, marquée par une volonté d’émancipation, d’indépendance et d’intégration et le refus de l’hégémonie étasunienne. Elle illustre également l’isolement total dans lequel se trouve Washington et le rejet que suscite sa politique désuète et cruelle de sanctions économiques contre La Havane, lesquelles affectent les catégories les plus vulnérables de la société, à commencer par les femmes, les enfants et les personnes âgées.


 



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