Mon ami Fidel

بقلم: Reynaldo Henquen
2016-11-29 14:57:37

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par Frère Betto

J'ai perdu un grand ami. Notre dernière rencontre a eu lieu le 13 août quand il fêtait son 90e anniversaire. Il m'a accueilli chez lui, à La Havane et, l'après-midi nous sommes allés au théâtre Karl Marx où un spectacle musical lui a rendu hommage.

Bien que son organisme soit affaibli, il a marché sans appui depuis l'entrée du théâtre jusqu'à son fauteuil.

Avec Fidel disparaît le dernier grand leader politique du 20e siècle et le seul qui a réussi à survivre plus de 50 ans à son œuvre : la Révolution Cubaine. Grâce à elle, la petite île a cessé d'être le bordel des Caraïbes, exploité par la maffia, pour devenir une nation respectée, souveraine et solidaire qui maintient des professionnels de la santé et de l'éducation dans plus d'une centaine de pays y compris au Brésil.

J'ai fait la connaissance de Fidel en 1980, à Managua. Ce qui attirait l'attention, au premier regard, c'était son air imposant. Il semblait plus âgé qu'il ne l'était et l'uniforme militaire le revêtait d'un symbolisme qui transmettait autorité et décision. On avait l'impression que n'importe quel fauteuil était trop étroit pour son grand corps. Quand il entrait dans un endroit c'était comme si tout l'espace était occupé par son aura. Tous attendaient qu'il prenne l'initiative, qu'il choisisse le sujet de conversation, qu'il fasse une proposition ou avance une idée, pendant qu'il persistait dans l'illusion que sa présence était une des plus et qu'on le traiterait sans cérémonies et sans révérences.

Comme dans la chanson de Cole Porter, il devait se demander si, peut-être, il ne serait plus heureux s'il continuait à être un simple paysan, sans la renommée dont il était revêtu. À une certaine occasion, l'écrivain colombien Gabriel García Márquez, dont il était un grand ami, lui a demandé s'il sentait que quelque chose lui manquait et Fidel a répondu : « Pouvoir rester debout, incognito, dans un coin de rue ».

Un autre détail surprenant chez Fidel était le timbre de sa voix. Son ton de fausset contrastait avec sa corpulence. Parfois il parlait si doucement que ses interlocuteurs devaient lui prêter une grande attention. Et quand il parlait, il n'aimait pas être interrompu. Mais il ne monopolisait pas le recours à la parole. Je n'ai jamais connu personne qui aimait autant parler que lui. À condition qu'il ne s'agisse pas de rencontres protocolaires auxquelles les mensonges diplomatiques sonnent comme des vérités définitives. Fidel ne savait pas accueillir une personne seulement durant 15 ou 20 minutes.

Sur invitation des évêques de son pays et de Fidel

lui-même, j'ai agit concernant la question de la liberté de culte à Cuba, facilité par l'entretien contenu dans le livre « Fidel et la Religion » dans lequel le leader communiste considère comme positif le phénomène religieux.

Je ne saurais pas dire combien de conversations privées j'ai eues avec Fidel. Il y a une chose curieuse et c'est que cet homme, à même de maintenir éveillée l'attention de la foule durant 3 ou 4 heures, détestait, comme moi, parler au téléphone. Les rares fois que je l'ai vu parler au téléphone il était très bref.

Mes voyages fréquents à la Havane ont resserré nos liens d'amitié. Dans la préface qu'il a généreusement écrit pour ma biographie, lancée cette semaine par la maison d'éditions « Civilización Brasileña », Fidel soulignait que je défends Cuba « sans laisser de défendre des vues divergentes ou différentes des nôtres ». Dans les années 80, quand j'ai fait des critiques à la Révolution, le Commandant a rétorqué : « C'est son droit. Qui plus est : c'est son devoir ».

Toutes les fois que je lui ai rendu visite chez lui, après qu'il a quitté le gouvernement, je lui emmenais des chocolats amères, leurs préférés, des châtaignes et des livres en espagnol sur la cosmologie et l'astrophysique. Nous conversions sur la conjoncture politique mondiale, sur son admiration pour le Pape François et, spécialement, sur la cosmologie.

Je lui ai raconté que lorsque j'ai rendu visite à Oscar Niemeyer, peu avant la mort de cet architecte brésilien, qui avait 100 ans déjà, celui-ci m'a dit, animé, que chaque semaine il rassemblait dans son bureau un groupe d'amis pour recevoir des cours de cosmologie.

Le fait que deux éminents communistes étaient intéressés par ce thème, j'ai fait le commentaire à Fidel, m'a fait rappeler une scène du film « La théorie de tout » dans laquelle le protagoniste du célèbre physicien britannique Stephen Hawking, lorsqu'il était toujours étudiant à Cambridge, demande à une jeune fille avec laquelle il commençait une affaire : « Qu'étudiez-vous ? Histoire, elle répond. Il lui dit : Moi, j'étudie la cosmologie. C'est quoi ça ?, elle demande. Et il lui répond : Une religion pour des athées intelligents ».

J'ai su que Fidel, interne dans des écoles religieuses durant 10 ans, a abandonné la foi chrétienne lorsqu'il a embrassé le marxisme. Depuis quelques années, j'ai l'impression claire qu'il est devenu agnostique. Il m'a demandé à plusieurs reprises, en prenant congé de moi : « Priez pour nous ». J'ai la certitude du fait que Fidel est mort heureux en raison de la cohérence de sa vie.

 

 

 

 

 



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