Lima, 2 février (RHC) – La croissance économique enregistrée en 2021 n'a pas suffi à redresser les marchés du travail en Amérique latine et dans les Caraïbes, indique un nouveau rapport publié par l'Organisation internationale du Travail (OIT).
Le Panorama du marché du travail 2021 en Amérique latine et dans les Caraïbes note qu'après deux ans de crise, la région est confrontée à un chômage élevé et à la perspective d'une augmentation de l'informalité.
«Les perspectives d'emploi sont incertaines, la persistance des infections dues à la pandémie et la perspective d'une croissance économique médiocre cette année pourraient prolonger la crise de l'emploi jusqu'en 2023, voire 2024», a déclaré Vinícius Pinheiro, Directeur régional de l'OIT pour l'Amérique latine et les Caraïbes.
«Une crise de l'emploi trop longue est inquiétante car elle génère du découragement et de la frustration, ce qui a des répercussions sur la stabilité sociale et la gouvernance», a ajouté M. Pinheiro.
La nouvelle édition du Panorama du marché du travail en Amérique latine et dans les Caraïbes se penche la pire crise de l'emploi depuis que le Bureau régional de l'OIT a commencé à publier ce rapport annuel en 1994.
La forte reprise économique enregistrée en 2021, avec une croissance supérieure à 6 pour cent, n'a pas suffi à récupérer les emplois qui ont été perdus. Sur les 49 millions d'emplois qui avaient été perdus au pire moment de la crise, lors du deuxième trimestre de 2020, 4,5 millions n'ont toujours pas été récupérés.
Ce sont près de 4 millions de personnes qui ont rejoint les rangs des chômeurs à cause de la pandémie. Au début de 2022, on estime qu'il y a environ 28 millions de personnes qui cherchent un emploi sans en trouver.
Le taux de chômage régional moyen à la fin de l'année 2021 a été estimé à 9,6 pour cent, ce qui représente une amélioration par rapport aux 10,6 pour cent atteints en 2020, mais un recul par rapport aux 8 pour cent enregistrés pour 2019, qui, dans ce cas, sert de référence pour calculer l'impact de deux années de pandémie.
L'OIT souligne que la prévision d'une croissance économique beaucoup plus faible en 2022, juste au-dessus de 2 pour cent, indique clairement qu'il faudra plus de temps à la région pour sortir de la crise du COVID-19. Dans ces conditions, et compte tenu de la persistance de la pandémie, l'OIT estime que le taux de chômage pourrait baisser cette année de 0,2 à 0,3 point de pourcentage, tout en restant au-dessus de 9 pour cent.
Cela serait insuffisant pour retrouver les niveaux de 2019 alors que que la situation du marché du travail est loin d'être positive dans une région déjà piégée dans un scénario de croissance lente, avec une faible productivité et des niveaux élevés d'informalité et d'inégalité.
«En Amérique latine et dans les Caraïbes, la pandémie a eu un impact plus grave en raison des 'comorbidités sociales' telles que l'informalité et l'inégalité», a expliqué M. Pinheiro. Il a ajouté que, lorsque la crise a commencé, «elles ont contribué à la perte d'emplois et de revenus, sans régimes de protection sociale adéquats pour soutenir les gens dans une période aussi difficile».
Le rapport de l'OIT indique qu'après le début de la pandémie, la crise s'est manifestée de manière atypique et qu'au lieu de toucher davantage les professions formelles, elle s'est traduite par une plus grande perte d'emplois informels qui a laissé des millions de personnes sans revenus. Dans certains pays, le taux d'informalité a même diminué.
Mais depuis, la situation s'est inversée. Les pays dont les données sont disponibles indiquent qu'entre 60 et 80 pour cent des emplois récupérés jusqu'au troisième trimestre de 2021 l'avaient été dans des conditions d'informalité. Le taux est déjà de 49 pour cent, similaire à ce qu'il était avant la pandémie, et indique qu'une personne employée sur deux est dans l'informalité.
Le rapport souligne également que le taux de chômage des femmes reste élevé (12,4 pour cent) depuis 2020 et qu'il ne s'est pas amélioré en 2021, ce qui contribue à amplifier l'impact de la crise sur l'inégalité des sexes au travail.
L'impact le plus intense chez les femmes de la région est associé à la plus grande présence des femmes dans les secteurs économiques fortement touchés par la crise, comme l'hôtellerie et la restauration, ainsi que dans les autres activités de services et le secteur du travail domestique. Cet impact peut également être attribué à l'incidence plus élevée de l'informalité chez les femmes, indique le rapport.
Le taux de chômage régional des jeunes reste préoccupant et se maintient à des niveaux sans précédent, avertit l'OIT. Avant la pandémie, il tournait autour de 18 pour cent et était déjà considéré comme trop élevé. Mais avec la crise, il a rapidement dépassé la limite de 20 pour cent et se situe désormais à un niveau de 21,4 pour cent.
Le panorama comprend également des données sur les différences entre les villes et les campagnes en matière d'emploi, l'occupation dans les secteurs d'activité et la catégorie professionnelle, l'évolution du salaire minimum et les revenus moyens.
«La croissance de l'emploi en 2021 a été particulièrement importante dans des secteurs tels que la construction (16,7 pour cent), le commerce (9,1 pour cent) et les transports (6,7 pour cent), ce qui contraste avec ce qui a été observé en 2020, lorsque ces secteurs ont enregistré de fortes contractions», indique le rapport.
La spécialiste régionale de l'OIT en économie du travail, Roxana Maurizio, indique que dans le scénario actuel, il est impératif «d'adopter un programme plus large de politiques globales et de grande envergure axées sur les personnes et, en particulier, sur la création d'emplois formels».
«Sans un ensemble cohérent de mesures visant à générer des emplois, les impacts de la crise se prolongeront et laisseront de profondes cicatrices sociales et du travail en Amérique latine et dans les Caraïbes», a ajouté Mme Maurizio, qui a coordonné l'équipe de spécialistes de l'OIT chargée de préparer ce rapport.
Le Panorama du marché du travail 2021 de l'Amérique latine et des Caraïbes conclut par une analyse spéciale du défi posé par les transitions numériques et l'accélération des tendances provoquées par la pandémie, notamment la présence accrue du télétravail et l'augmentation évidente des services basés sur des plateformes numériques.
Ce nouveau scénario pose des défis importants aux décideurs politiques pour tirer parti des opportunités offertes par ces transformations et éviter les perturbations potentielles des marchés du travail.
Le rapport met en garde contre la nécessité d'adapter le contenu et la portée de la formation professionnelle pour améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande de qualifications, être mieux préparé aux compétences requises à l'avenir et réduire les effets perturbateurs des évolutions technologiques.
Il souligne également la nécessité de politiques publiques pour contribuer à lever les obstacles et faire en sorte que cette transition débouche sur la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité.
Source OIT