« Ils ne nous pardonnent pas de nous associer de façon solidaire entre Latino-américains et Caribéens, hors de la tutelle impériale »

Edited by Francisco Rodríguez Aranega
2019-12-17 08:40:30

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Discours prononcé par Miguel Mario Diaz-Canel, président de la République de Cuba, lors de la cérémonie politique et culturelle à l’occasion du 15e anniversaire de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique-Traité de commerce des peuples, au Grand escalier de l’Université de La Havane, le 14 décembre 2019 « Année 61 de la Révolution »

Auteur: Rédaction digital | informacion@granma.cu

16 décembre 2019 10:12:19

(Traduction de la Version sténographique de la Présidence de la République)

Bonsoir,

Cette cérémonie se passe à l’envers. Maduro, Ralf et Daniel ont peu parlé et maintenant je vais devoir parler un petit peu plus (rires).

Cher général d’armée Raul Castro Ruz, Premier Secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba,

Chers chefs d’État et de gouvernement de l’ALBA-TCP,

Chers chefs de délégation et chers invités,

Étudiants de nos universités, présent et avenir de la nation cubaine. C’est à vous et à tous les jeunes de Cuba, d’Amérique latine et des Caraïbes, que nous nous adressons aujourd’hui !

Nous sommes venus jusqu’à notre glorieux Grand escalier pour fêter les 15 ans de l’ALBA-TCP, parce que cette Alliance tire ses racines dans la première rencontre de deux géants de Notre Amérique, le commandant en chef de la Révolution cubaine, Fidel Castro Ruz et celui qui était alors le (jeune) leader du Mouvement bolivarien 200, Hugo Chavez Frias.

Cette rencontre qui changea l’Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes et impressionna le monde eut lieu entre le 13 et le 15 décembre 1994.

Comme aujourd’hui, nous vivions des journées complexes et incertaines pour la région et pour le monde. Et ce fut près d’ici, dans l’amphithéâtre de l’Université de La Havane où se firent entendre pour la première fois les analyses et les approches prémonitoires, de ce qui, avec le temps, les efforts concertés et les progrès de gouvernements progressistes, allait se concrétiser en 2004 en ce paradigme de l’intégration solidaire que nous connaissons comme l’ALBA-TCP.

Nous avons aussi choisi le Grand escalier, porte de notre Université, l’une des plus anciennes d’Amérique, car c’est ici que passent tous les jours le présent et l’avenir de Cuba et d’une bonne partie du reste du monde, des jeunes en provenance de pays frères, des étudiants qui partagent salles de classe et rêves avec nos enfants.

Nous croyons fermement que les universités ne peuvent pas être déconnectées de notre monde et de ses problèmes urgents. C’est ici que Fidel est devenu révolutionnaire, c’est ici qu’Hugo Chavez s’est adressé à ses contemporains d’Amérique latine, c’est ici que l’on étudie et que l’on pense en faveur d’un monde meilleur possible que nous, les révolutionnaires, nous sommes proposés de conquérir.

Sœurs et frères,

Il y a exactement un an l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique s’est réunie afin d’adopter des positions communes face au renforcement prévisible des agressions contre nos nations. Les pronostics d’alors n’étaient pas exagérés.

Le gouvernement des États-Unis et ses alliés ont déployé et persistent à mettre en œuvre une campagne féroce et sans scrupules de déstabilisation dans la région.

Ils le font en reprenant l’application brutale de la Doctrine Monroe, avec laquelle l’administration de Washington s’est engagée de manière ouverte et arrogante.

Ils intensifient les actions contre la République sœur bolivarienne du Venezuela, en violant les principes les plus élémentaires du Droit international. Ils en sont venus au point de désigner qui peut parler au nom du Venezuela et de décider de la destination de l’argent et des immeubles du pays hors de son territoire. Jamais auparavant dans l’histoire la démocratie n’a-t-elle été autant offensée, en parlant en son nom alors qu’elle est foulée aux pieds.

La récente annonce de l’utilisation contre le Venezuela de l’obsolète Traité interaméricain d’assistance réciproque (TIARD) – qui n’a jamais servi à sauvegarder les intérêts de la région –, est un autre avertissement que la paix, la démocratie et la sécurité restent en danger.

Quel autre objectif peut avoir la récupération d’une institution comme le TIAR qui a cautionné des coups d’État, soutenu des dictatures militaires et n’a pas été capable d’appuyer l’un de ses membres lorsqu’une puissance extrarégionale a occupé des territoires et déclenché une guerre ?

Les États-Unis organisent des attaques contre la patrie de Bolivar et de Chavez sans comprendre que la détermination de leur peuple se renforce davantage face aux agressions externes. Ils ont échoué et ils continueront d’échouer face à la solide union civique et militaire et le courage de millions de Vénézuéliens, qui ont juré d’être toujours loyaux et de ne jamais trahir. (Applaudissements).

Notre frère Nicolas Maduro est ici en représentation de cette union victorieuse et ferme.

Vive la Révolution bolivarienne !

(Exclamations de : Vive !)

Nous renouvelons notre solidarité envers la Révolution populaire sandiniste qui, sous la direction du commandant Daniel Ortega Saavedra, résiste aux assauts impériaux contre le Nicaragua, quelles que soient les menaces, et qui fait tous ses efforts sur la voie de la réconciliation, de la paix et du développement juste pour son pays.

Vive la Révolution sandiniste !

(Exclamations de : Vive !)

Nous célébrons la libération du leader des travailleurs brésiliens et ancien président de ce pays, le compañero Luiz Inacio « Lula » da Silva, et dans le même temps, nous vous exhortons tous à exiger sa pleine liberté, la reconnaissance de son innocence et la restitution de tous ses droits politiques.

Face aux complots impériaux et à la politisation des systèmes judiciaires, face à la corruption et au discrédit de la politique, confisquée par des agents de l’impérialisme, du néolibéralisme et des médias, Lula est un exemple du fait que nous aurons toujours le recours à la lutte pour la vérité, la dignité et la solidarité pour vaincre le mensonge

La Bolivie, le pays frère absent, mérite une mention particulière.

Le coup d'État contre le président constitutionnel Evo Morales Ayma a confirmé que les États-Unis et les forces réactionnaires n’en ont rien à faire d’écraser les libertés et les droits humains des peuples par n’importe quel moyen afin de renverser les processus d’émancipation dans la région. Comme de coutume, ils ont fait appel à leur fidèle serviteur : l’Organisation des États américains.

Il n’est pas étonnant que, comme l’indique le livret impérial, la première action de politique extérieure des putschistes ait été de se retirer de l’ALBA.

Dans des pays comme la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Brésil, nous voyons avec douleur et indignation combien le nombre de morts augmente, auxquels s’ajoutent des milliers de blessés, tandis que les blessures aux yeux de centaines de jeunes se multiplient aux cours d’actes de répression tellement brutaux qu’ils rappellent les journées ténébreuses des dictatures militaires. On assassine des militants sociaux, des journalistes et des anciens guérilleros. Les cas de violences, de torture et de viols de personnes arrêtées se comptent désormais par centaines.

Plusieurs des chefs militaires et policiers qui à l’heure actuelle mènent cette horrible répression ont été formés à l’École des Amériques, aujourd’hui fermée. Ceux qui poursuivent les leaders de gauche et progressistes ont été formés quant à eux à l’actuelle Académie internationale pour l’application de la Loi, également de facture yankee.

Nous suivons au jour le jour, avec admiration, le cours dramatique de la résistance des peuples et de leur mobilisation croissante.

Depuis cette tribune, nous condamnons fermement le silence complice et honteux d’un bon nombre, et la manipulation et la dissimulation des médias transnationaux et oligarchiques sur les événements en Bolivie !

Et aujourd’hui, ici-même, Cuba ratifie son soutien et sa solidarité envers le compañero Evo Morales Ayma (Applaudissements). Vivent les gouvernements et les peuples qui honorent leur dignité leur souveraineté en accueillant et en soutenant les leaders traqués ! (Exclamations de Vivent !)

Notre personnel de santé qui prêtait service en Bolivie connaît de près la brutalité des putschistes, dont les forces répressives, dirigées directement par les États-Unis, ont agressé physiquement deux de nos coopérants, tandis que 54 d’entre eux étaient injustement détenus, certains pendant plusieurs jours.

Des membres de la Brigade médicale cubaine, sans aucun motif, ont été fouillés de façon humiliante et dépouillés de leurs biens. Les autorités putschistes ont incité à la haine à l’encontre des Cubains.

La lâcheté de ces répresseurs a contrasté avec la dignité et le courage de nos professionnels désintéressés, qui méritent d’être reconnus pour leur attitude inébranlable, fille de la tradition internationaliste cubaine (Applaudissements).

Ils sont désormais tous de retour dans la Patrie, prêts à la défendre et pour une prochaine mission.

Les faits survenus en Bolivie sonnent les alarmes et nous alertent. Une fois de plus « le tigre est à l’affût », comme l’affirmait Marti dans son magnifique essai : « Notre Amérique ».

« La colonie a continué à vivre dans la république, et notre Amérique se libère de ses grands errements (…) par la vertu supérieure, fécondée par le sang nécessaire, de la république qui lutte contre la colonie. Le tigre attend, derrière chaque arbre, tapi à chaque coin de rue. »

Lors de notre récente visite en Argentine pour assister à l’investiture d’Alberto et de Cristina, nous avons soutenu un dialogue précieux avec d’importants intellectuels et artistes de ce pays.

Nous avons recueilli auprès d’eux la plus formidable critique du néolibéralisme – «  le tigre est à l’affut » – et de ses graves conséquences pour les peuples de Notre Amérique qui ont été brisés par les expériences néolibérales.

Le cinéaste et actuel ministre de la Culture argentin, Tristan Bauer, vient de recenser les graves coûts sociaux du néolibéralisme durant les quatre années de gouvernement de Macri, dans un documentaire qu’il a appelé Tierra arrasada (Terre brûlée).

Certains autres parmi les assistants ont rappelé que ces processus s’installent à travers un puissant réseau médiatique auxquels les projets progressistes doivent faire face dans une bataille asymétrique, si bien qu’il a été proposé de promouvoir une sorte de stratégie culturelle afin de résoudre ces asymétries.

Les restes de mentalité coloniale en Amérique doivent disparaître avant que ne disparaissent nos peuples et leurs rêves d’émancipation et d’intégration, la grande dette depuis les temps de Bolivar.

Il est essentiel de semer des idées et des valeurs pour défendre nos conquêtes. Et il convient aussi de nous intégrer dans le domaine de la communication afin que la mentalité chargée de faux symboles qui nous engloutit, tels les petits miroirs que les conquistadors donnaient à nos nobles habitants autochtones, en échange des richesses naturelles avec lesquelles ils ont construit leur pouvoir.

Les magnifiques idées qui, en à peine deux heures, ont surgi au cours de la rencontre avec les amis argentins, nous confirment les énormes potentialités des intellectuels latino-américains pleins d’imagination, dont les meilleurs exposants ont toujours été liés aux batailles pour la justice sociale.

Compañeras et compañeros,

Même face aux pressions les plus brutales des États-Unis, Cuba a obtenu une victoire retentissante aux Nations Unies lorsque 187 pays ont voté en faveur de la Résolution qui condamne le blocus économique, commercial et financier des États-Unis.

Ceux qui n’ont pas eu le courage de résister aux pressions yankees et n’ont pas osé condamner le blocus contre Cuba, portent la responsabilitéde soutenir une politique qu’aucun peuple sur cette terre n’approuve, parce qu’elle est criminelle, parce qu’elle viole les droits humains de millions de personnes, parce qu’elle est extraterritoriale, illégale et infâme.

Et parce que ce qu’ils font aujourd’hui contre Cuba, ils le feront demain contre d’autres pays, comme cela a été prouvé plus d’une fois au cours de ces dernières années. Nul n’est à l’abri du fouet de l’empire, et permettre que l’on frappe certains ouvre la voie aux coups contre tous.

Nous sommes satisfaits de savoir que cette attitude ne reflète pas réellement ce que ressentent les peuples frères du Brésil et de Colombie.

Dans des victoires comme la condamnation du blocus, l’ALBA a été et doit rester un front d’unité et de résistance à l’empire, au putschisme et aux positions d’ingérence qui ne font que soulever la honte des femmes et de hommes de notre continent.

Par ailleurs, nous saluons et nous nous sentons encouragés par les victoires progressistes au Mexique et en Argentine, dont les nouveaux gouvernements ont déjà montré, en très peu de temps, leur engagement envers la paix, la démocratie, le développement et la justice sociale des peuples et avec l’authentique unité et intégration de Notre Amérique.

Ces derniers mois, nous avons entendu des accusations ridicules contre les Révolutions cubaine et bolivarienne, dans une ignoble tentative de justifier ce qu’ils se refusent à comprendre : les profondes raisons des rebellions populaires contre le néolibéralisme que continuent à se produire dans plusieurs pays de la région. Cela ne nous surprend pas.

Les manifestations populaires sont le résultat des luttes contre l’inégalité et les injustices sociales durant des années. Et elles se poursuivront, et seront plus graves, tant que l’on ne s’occupera pas de leurs causes.

Ceux qui répriment refusent de voir dans ces manifestations leurs véritables causes, parce que, pour s’installer, le néolibéralisme tente de nous empêcher d’avoir une conscience historique, en proposant la déshistorisation du temps. C’est pour cette raison que leurs idéologues, comme Fukuyama, insistent sur la « fin de l’Histoire ».

Ils prétendent nous dire que le capitalisme est éternel. Ils veulent alors éterniser l’inégalité sociale, la misère, l’exclusion. Le temps est histoire ! et la nôtre se fonde sur Bolivar, San Martin, Sucre, Marti, Che, Fidel, Chavez, Sandino, la lutte contre l’esclavage, contre la domination espagnole, contre les invasions et contre le blocus de Cuba de la part de l’impérialisme génocide.

Le néolibéralisme force l'économie mondiale à passer de la production à la spéculation. Alors que le Produit intérieur brut mondial croît à un taux annuel moyen de 1 à 2 %, le rendement financier augmente de plus de 5 % par an. Alors que 820 millions de personnes sont menacées de mort par la faim, les paradis fiscaux détiennent vingt trillions de dollars !

Le néolibéralisme produit ce sur quoi Marx nous avait alertés : les gens ne valent plus en tant qu’êtres humains, mais pour la valeur marchande qu'ils représentent. Nous sommes face à une déshumanisation brutale.

Le néolibéralisme ne favorise pas la mondialisation, mais la mondiocolonisation. Son objectif est de faire du monde un grand marché auquel seuls les riches ont accès, les autres en sont exclus ; ce sont des êtres jetables, condamnés à une mort prématurée.

Le néolibéralisme est basé sur la compétitivité, le socialisme sur la solidarité. Le néolibéralisme, sur l'accumulation privée de la richesse, le socialisme, sur le partage de la richesse. Le néolibéralisme, sur la défense des intérêts du capital, le socialisme, sur les droits humains et de la nature.

Ce que les États-Unis et les oligarchies latino-américaines ne nous pardonnent pas, c'est que nous avons construit des modèles inclusifs et engagés envers le peuple, y compris sous les pressions et les barrières des sanctions et des blocus.

Nous pouvons leur donner la formule : nous ne construisons pas de modèles pour 1% de la population. Nous ne construisons pas de modèles d'exclusion. Nous construisons des modèles de solidarité et nous pratiquons l'intégration (Applaudissements).

Et ils ne nous pardonnent pas de nous associer de façon solidaire entre Latino-américains et Caribéens, hors de la tutelle impériale.

Ils ne nous pardonnent pas non seulement d'avoir choisi de faire prévaloir l'indépendance, la liberté, la souveraineté sur nos ressources et l'autodétermination, mais d’avoir démontré que nous sommes capables de les défendre.

Ce qu'ils ne pardonnent pas à Cuba, c'est que nous défendions la philosophie de partager de façon solidaire ce que nous avons, d’apporter santé et savoir là où d'autres apportent des armes, d’apprendre à lire et à écrire, ou de rendre la vue ou de sauver la vie de ceux qui n'ont jamais eu de services de santé dignes.

Aujourd'hui, alors qu'à la suite du complot impérialiste et oligarchique, la coopération que Cuba offre a été interrompue dans certains endroits, nous constatons avec inquiétude que des millions de Latino-Américains ont été privés de leur droit humain à la santé. Les oligarchies n’en ont rien à faire et se plient à la campagne maladive lancée par les Yankees.

Les seules forces militaires et de sécurité qui s'ingèrent dans les affaires intérieures des pays et menacent l'Amérique latine et les Caraïbes sont celles des États-Unis.

Cuba résistera à toutes les menaces. La lutte nous a endurcis. Nous avons un peuple uni. Nous comptons sur la solidarité du monde, des peuples d'Amérique latine et des Caraïbes, et tout particulièrement, de nos frères et sœurs de l'ALBA.

Nous ne renoncerons pas au socialisme ! Nous ne renoncerons pas à la solidarité ! Nous ne renoncerons pas à l'amitié ! Nous ne renoncerons pas à la dignité ! (Applaudissements.)

Compañeras et compañeros de l'ALBA,

Je réitère l'accolade de ce peuple noble, courageux et solidaire dans cette belle ville qui vient de fêter ses 500 ans d'histoire et de luttes et où vous pourrez toujours revenir pour recevoir l'affection de ceux qui ne se rendent pas, ne se rendront pas et qui continueront la Révolution vibrante qui nous a menés jusqu’ici.

Terminons comme les cérémonies se terminent toujours sur cet Escalier historique : en célébrant la vie, l'avenir qui est en formation en ce lieu pour faire qu’un monde meilleur soit possible. Un monde pour lequel tant de générations ont versé leur sang et donné leur propre vie.

Nous sommes Cuba !

Et nous sommes aussi l'Amérique latine et les Caraïbes, tous unis par l'ALBA-TCP !

Hasta la victoria siempre !

 



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