Nations Unies, 12 janvier (RHC) Le ministre cubain des affaires étrangères a souligné aux Nations Unies que les grands défis que l'ordre économique actuel a générés pour le monde en développement atteignent leur expression la plus aiguë en ces temps de crise systémique, à savoir la santé, le climat, l'énergie, l'alimentation, l'économie, l'escalade des tensions géopolitiques et les nouvelles formes de domination et d'hégémonie.
Prenant la parole lors de la cérémonie de passation à Cuba de la présidence du G77 plus la Chine, Bruno Rodríguez a relevé que l'unité est le mot d'ordre en ces temps difficiles. Ce n'est que par la recherche du consensus que nous pourrons progresser vers la réalisation de nos aspirations légitimes au développement -a-t-il relevé-
Voici le texte intégral de son discours:
Discours du ministre des Affaires étrangères de Cuba, S.E. M. Bruno Rodríguez Parrilla, lors de la cérémonie de passation à Cuba de la présidence du G77 plus la Chine le 12 janvier 2023.
S.E. M. Munir Akram, représentant permanent de la République islamique du Pakistan auprès des Nations unies :
S.E. M. Csaba Körösi, président de la 77e session de l'AGNU :
S.E. António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies :
M. Mourad Ahmia, Secrétaire exécutif du Groupe des 77 plus la Chine :
Distingués représentants permanents et invités :
Je souhaite réitérer ma reconnaissance pour le soutien et la confiance accordés à Cuba pour diriger les travaux du G77 plus la Chine en 2023. Ce sera une année de grands défis et de processus complexes qui nécessiteront une action décisive de la part des pays du Sud.
J'adresse également mes félicitations au Pakistan pour sa réussite à la tête du Groupe en 2022.
Je saisis également cette occasion pour exprimer notre gratitude à l'équipe du Secrétariat du G77 plus la Chine, confiant que nous bénéficierons de leur précieux soutien durant notre présidence.
Excellences :
Les grands défis que l'ordre économique actuel a générés pour le monde en développement atteignent leur expression la plus aiguë en ces temps de crise systémique, à savoir la santé, le climat, l'énergie, l'alimentation, l'économie, l'escalade des tensions géopolitiques et les nouvelles formes de domination et d'hégémonie.
L'accès inégal aux vaccins, la fracture numérique, le fardeau de la dette extérieure, la réforme structurelle de l'architecture financière internationale, les flux de financement du développement, l'insécurité alimentaire, les mesures de restriction des échanges, le financement du climat et le renforcement des capacités ne sont toujours pas pleinement pris en compte aujourd'hui.
Il est déjà clair que les modestes progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'Agenda 2030 risquent d'être réduits à néant. Nous assistons à un monde d’après-pandémie plus divisé et plus égoïste.
Entre 3 300 et 4 500 milliards de dollars par an doivent être mobilisés si nous voulons atteindre les objectifs de développement durable. Au niveau actuel des investissements publics et privés dans les secteurs liés aux ODD, les pays en développement sont confrontés à un déficit de financement annuel moyen de 2 500 milliards de dollars, et ce au milieu de la plus grave crise multi-systémique que l'humanité ait jamais connue[1].
1] Les pays en voie de développement ne disposent que de 24 doses de vaccin COVID-19 pour 100 personnes, alors que les pays les plus riches disposent de près de 150 doses pour 100 personnes.
Ce sont les pays du Sud qui ont vu leur dette extérieure presque doubler au cours des dix dernières années[3] ; alors que ce sont ces mêmes pays qui ont dû dépenser une somme estimée à 379 milliards de dollars de leurs réserves pour défendre leur monnaie en 2022, soit presque le double du montant des nouveaux droits de tirage spéciaux qui leur ont été alloués par le Fonds monétaire international[4].
Les pays les moins avancés ne sont responsables que de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais ils ont subi 69 % des décès causés par les catastrophes liées au climat[5].
Nos besoins en matière d'adaptation au climat vont grimper en flèche pour atteindre entre 140 et 300 milliards de dollars par an d'ici à 2030. Pourtant, les financements des pays développés représentent aujourd'hui moins d'un dixième de ce montant[6].
6] Dans le même temps, plus de trente mesures coercitives unilatérales et systèmes de mesures coercitives à l'encontre des pays en développement restent pleinement en vigueur. C'est une tendance qui, loin de s'inverser, s'est exacerbée ces dernières années.
Excellences :
L'unité est le mot d'ordre en ces temps difficiles. Ce n'est que par la recherche du consensus que nous pourrons progresser vers la réalisation de nos aspirations légitimes au développement.
Depuis notre présidence, nous nous engageons à consolider l'unité, la présence et l'influence du Groupe dans les nombreux processus multilatéraux pertinents qui se tiendront cette année. Nous veillerons à ce que nos intérêts communs soient dûment pris en compte.
Nous guiderons les travaux de manière souple et toujours constructive, sur la base du plus large consensus, afin de mettre en œuvre la vision transformatrice que défend notre groupe.
Notre priorité sera de promouvoir la solidarité et la coopération internationales afin de soutenir le redressement de l’après-pandémie de nos nations.
Nous travaillerons à la réalisation de projets de coopération du Sud dans les domaines de la santé, des biotechnologies, de l'éducation, du changement climatique et de la prévention des catastrophes, qui constituent une leçon d'unité, de complémentarité et de réelle volonté politique.
Nous ne relâcherons pas notre demande juste que les pays développés respectent leurs engagements en matière d'aide publique au développement, de financement du climat et de coopération Nord-Sud.
Nous nous opposerons à toute tentative de faire peser sur nos épaules les promesses non tenues des nations les plus puissantes, qui dépensent des millions en armes et non en développement.
Nous ferons pression pour obtenir des engagements tangibles en matière de financement concessionnel et de renforcement des capacités pour les pays du Sud.
Nous préconiserons l'utilisation de la science, de la technologie et de l'innovation comme moteurs du développement durable. Nous nous appuierons sur les réalisations du Groupe dans ce domaine, et nous promouvrons une feuille de route commune pour relever les défis actuels et futurs.
Dans cet esprit, nous convoquerons un sommet sur la science, la technologie et l'innovation comme prémisses du développement et de la lutte contre les futures pandémies, qui se tiendra à La Havane cette année.
Le développement scientifique et technique est aujourd'hui monopolisé par un club de pays qui s'accapare la majorité des brevets, des technologies et des centres de recherche, et favorise la fuite des talents de nos pays.
Le Sud a un grand potentiel en matière de science, de technologie et d'innovation. Nous devons nous unir, nous compléter, intégrer nos capacités nationales afin de ne pas être distancés face aux futures pandémies. La réunion de La Havane vise précisément cet objectif : tirer parti de notre riche expérience dans ce domaine.
En ce qui concerne le climat, nous nous efforcerons de renforcer la position forte du Groupe dans la perspective de la COP 28. Nous plaiderons pour des résultats substantiels sur les questions qui intéressent particulièrement le Groupe, notamment celles liées au fonds pour les pertes et dommages, au financement du climat et à l'adaptation.
La dette extérieure, dont le principal a déjà été remboursé plusieurs fois, est devenue l'un des principaux obstacles au développement de nos peuples et s'est transformée en un puissant instrument pour perpétuer le pillage financier et la dépendance économique des pays du Sud.
À cet égard, nous plaiderons en faveur d'approches innovantes de l'architecture de la dette qui offrent un espace fiscal à nos nations pour investir dans la reprise après-pandémie, l'action climatique et les Objectifs de développement durable, et contribuer à éviter de futures crises de la dette.
Nous insisterons sur une restructuration complète du système de gouvernance financière internationale, qui est aux mains de quelques institutions qui profitent des réserves du Sud, perpétuent le sous-développement et appliquent des recettes purement conjoncturelles afin de reproduire leur schéma de colonialisme moderne.
Nous renforcerons également la coordination entre les chapitres du G77 dans d'autres enceintes multilatérales afin d'identifier les priorités de travail pour les multiples processus de négociation en 2023.
Nous ferons tout notre possible pour assurer le succès du IIIe Sommet du Sud, dont nous espérons que la déclaration et le programme d'action renforceront l'acquis historique du Groupe et fixeront les lignes directrices de nos actions en ces temps d'énormes défis.
Excellences :
Le moment présent ne permet ni hésitation ni division. L'heure est à l'action unie pour défendre les revendications qui nous sont chères.
La déclaration commune de 1964 a identifié la centralité de l'unité face aux problèmes fondamentaux du développement. Cette unité a été le pilier fondamental des réalisations du Sud au cours des six dernières décennies.
À l'aube de notre 60e anniversaire, faisons nôtres les principes fondateurs qui ont donné vie à ce groupement de nations diverses et représentatives. Travaillons pour qu'à la fin de cette année, nous soyons plus forts et plus unis.
Pour Cuba, ce sera l'expression d'un devoir accompli. Pour le Groupe, il s'agira d'une étape inestimable sur la voie de la réalisation de nos aspirations historiques en tant que nations en développement.
Merci beaucoup.
[1] Données fournies par le CIEM.
[2] Données tirées du rapport du groupe de travail inter-institutions sur le financement du développement durable intitulé "Financement du développement durable 2022 : combler le déficit de financement".
[2] Données extraites du rapport "Financing for Sustainable Development 2022 : Closing the financing gap", par le Groupe de travail inter-institutions sur le financement du développement.
[3] Données extraites de la résolution A/RES/77/174 : "Vers un nouvel ordre économique international".
[4] Données du Rapport sur le commerce et le développement 2022 de la CNUCED.
[5] Données du rapport 2022 de la CNUCED sur les pays les moins avancés.
[6] Données provenant du rapport 2022 du PNUE sur le déficit d'adaptation et fournies par le CIEM.
[7] Données tirées du rapport du Secrétaire général des Nations Unies (A/76/310) sur la résolution "Mesures économiques unilatérales utilisées comme moyen de coercition politique et économique contre les pays en développement".
(Cubaminrex)