Quito, 25 juin (RHC) La contestation indigène contre la hausse du coût de la vie et des carburants se poursuit après une tentative d'invasion du Parlement le 23 juin, les manifestations ayant déjà fait un total de six morts. L'armée pourrait intervenir.
La mobilisation indigène contre le gouvernement du président conservateur Guillermo Lasso entre ce 25 juin dans son treizième jour en Equateur, au lendemain d'une tentative d'envahissement du Parlement, signe d'un durcissement des manifestations qui ont fait un total de six morts dans le pays andin.
La police a en effet dispersé le 23 juin des manifestants qui tentaient d'envahir le Parlement à Quito, au onzième jour des protestations indigènes face à l'augmentation du coût de la vie.
Trois personnes ont péri durant cette nouvelle journée de protestations, qui se sont étendues à d'autres points de la capitale, selon l'Alliance des organisations de défense des droits de l'homme, qui avait fait état de trois premiers décès survenus entre le 20 et le 22 juin. Le 23 juin, un manifestant de 39 ans a été tué d'une balle, et un jeune est mort auprès de lui.
A Caspigasi, dans la banlieue de Quito, un indigène est décédé dans un affrontement avec des militaires, selon l'Alliance. L'armée a de son côté indiqué que des soldats qui assuraient la sécurité d'un convoi transportant de la nourriture ont été «agressés par un groupe violent» dans la même localité, et que 17 militaires ont été gravement blessés.
L'Alliance des organisations de défense des droits de l'homme a par ailleurs aussi fait état de 92 blessés et de 94 interpellations depuis le 13 juin. La police a pour sa part annoncé que 74 de ses membres avaient été blessés. Le média bolivien Kawsachun News a également publié des vidéos des manifestations.
Dans l'après-midi du 23 juin, plusieurs milliers d'indigènes ont d'abord pénétré en poussant des cris de joie dans la Maison de la Culture à Quito, réquisitionnée depuis plusieurs jours par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP.
Ce centre culturel sert traditionnellement de point de rencontre aux indigènes dans la capitale et son libre accès représentait une des conditions des manifestants pour entamer des négociations.
«C'est une victoire de la lutte !», a salué mégaphone en main le leader indigène Leonidas Iza, dirigeant de la Confédération des nationalités indigènes d'Equateur (Conaie), la plus grande organisation indigène du pays. Le gouvernement a finalement autorisé les manifestants à investir ce lieu symbolique, «dans l'intérêt du dialogue et de la paix», a déclaré le ministre équatorien du Gouvernement, Francisco Jiménez, dans une vidéo transmise aux médias.
L'objectif de cette concession est «que cessent les blocages de rues, les manifestations violentes et les attaques dans différents lieux», a ajouté le ministre, tandis que le chef de l'Etat Guillermo Lasso, testé positif au Covid-19 le 22 juin, est contraint à l'isolement.
Le but recherché n’a pas été atteint puisque peu après, un imposant groupe de manifestants, mené par des femmes, a tenté de pénétrer dans l'enceinte du Parlement voisin. Les policiers déployés sur place les en ont empêché en faisant usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes.
Les marcheurs ont riposté avec violence en lançant des pierres, des feux d'artifice ainsi que des cocktails Molotov. Le leader des manifestations, Leonidas Iza, qui se trouvait sur place, y a vu «un très mauvais signe alors que nous avions demandé à notre base de faire une marche pacifique». La foule s'est ensuite retirée dans le parc voisin d'El Arbolito.
Le prix des carburants a une nouvelle fois mis le feu aux poudres. Au mois 14 000 manifestants sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants. La police estime leur nombre dans la capitale, Quito, à près de 10 000.
En préalable à toute négociation, la Conaie exige aussi l'abrogation de l'état d'urgence en vigueur dans six des 24 provinces et dans la capitale, appuyé par un important déploiement sécuritaire et un couvre-feu nocturne. Le gouvernement rejette cette exigence et assure que les demandes des manifestants portant sur le prix des carburants coûteraient à l'Etat plus d'un milliard de dollars par an.
«Ils disent que nous sommes des paresseux, que nous ne produisons pas et que c'est pour cela qu'il y a des pénuries», a lancé la dirigeante indigène Nayra Chalan sur une estrade devant des manifestants. Les indigènes ont quitté leurs communautés rurales il y a onze jours, mais ne sont arrivés à Quito qu’en début de semaine, durcissant le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Le président conservateur Guillermo Lasso, au pouvoir depuis un an, voit dans cette révolte une tentative de le renverser. Entre 1997 et 2005, trois présidents équatoriens ont dû quitter le pouvoir après des manifestations. En 2019, une précédente vague de manifestations contre la fin de subventions aux prix du carburant avait fait 11 morts et des milliers de blessés dans des affrontements avec la police.
Lors de ces protestations, des manifestants avaient pris d'assaut le siège du gouvernement et brièvement envahi le Parlement, incendié le bâtiment de l'Inspection des finances et attaqué les locaux de deux médias. Les indigènes avaient alors rejeté la responsabilité sur des éléments «infiltrés».
Le président de l'époque, Lenin Moreno, avait été contraint de revenir sur des mesures économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI). Guillermo Lasso peut toutefois compter sur le soutien des militaires qui ont mis en garde les manifestants le 21 juin, les accusant de représenter un «grave danger» pour la démocratie. (Source RT)