Capucine Camin (et AFP), le 16/06/2017 à 17h54
Mis à jour le 17/06/2017 à 11h41
Vendredi 16 juin, le président américain a concrétisé sa promesse de remettre en cause la politique d’ouverture de Washington vis-à-vis de la Havane mise en place par Barack Obama.
Depuis Miami, en Floride, le président américain Donald Trump a affirmé vendredi sa volonté de freiner le rapprochement avec Cuba, lancé fin 2014 par son prédécesseur Barack Obama après plus d’un demi-siècle de tensions, dénonçant avec véhémence le régime « brutal » au pouvoir à La Havane.
Des mesures restrictives à l’égard de Cuba risqueraient de plonger les États-Unis dans l’isolement politique affirme Salim Lamrani, docteur de l’Université Paris-Sorbonne.
Le secteur touristique cubain, en première ligne
Salim Lamrani (1), docteur de l’Université Paris-Sorbonne et maître de conférences de l’Université de la Réunion, est spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis. Il affirme qu’à Cuba, « l’État contrôle les ressources stratégiques, dont le tourisme fait partie ». L’armée notamment à la main mise sur une grande partie du secteur touristique, allant des compagnies aériennes aux hôtels en passant par les restaurants, les agences de location de véhicules. L’une des entreprises touristiques qui pourrait être visée est présidée par le gendre du président cubain Raul Castro.
Le nombre de touristes américains sur l’île cubaine a explosé, avec une progression de 145 %, soit 300 000 visiteurs américains entre janvier et mai 2017. Cibler le secteur touristique, troisième source de revenu de l’île, représenterait donc « un manque à gagner considérable pour Cuba » déclare Salim Lamrani.
« Je ne vois pas ce que Donald Trump a à gagner »
« Je ne vois pas ce que Donald Trump a à gagner, affirme Salim Lamrani. C’est un contre-sens politique. Je ne suis pas visionnaire mais ces mesures, si elles sont appliquées, susciteront un rejet dans le monde entier. ».
L’universitaire observe : « 70 % de l’opinion américaine souhaite la poursuite des relations pacifiques et cordiales avec Cuba. Le monde des affaires et la communauté cubaine présente en Floride sont majoritairement hostiles à un revirement de situation et à l’imposition de nouvelles mesures restrictives. Pour la 26e année consécutive, la communauté internationale a montré son désaccord avec les sanctions économiques américaines imposées à Cuba. ».
Donald Trump souhaite rester fidèle aux partisans de « l’exil historique » en Floride, minoritaire en nombre mais économiquement puissants. Mais sa stratégie contredit le vote pro-Obama de 2008 en Floride sur le thème d’une réconciliation diplomatique entre les anciens ennemis de la Guerre Froide.
« À mon avis, Donald Trump est resté dans la mentalité de la Guerre Froide, il est persuadé que les États-Unis imposeront leur politique par la force sur Cuba », déclare Salim Lamrani. Il souligne également le risque d’isolement pour les États-Unis, déjà visible avec le retrait de l’accord climatique de Paris.
Face à ce retour en arrière « les Cubains ne peuvent pas faire grand-chose, à part condamner et dénoncer les décisions prises », note Salim Lamrani.
Capucine Camin (et AFP)
(1) Dernier ouvrage paru de Lamrani Salim : "Fidel Castro, héros des déshérités", Paris, Éditions Estrella, 2016.