De nombreux signes ont démontré ces jours-ci que la paix en Colombie avance avec beaucoup de difficultés malgré l'accord signé avec l'ancienne organisation de guérilla FARC-AP, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie-Armée du Peuple, devenue parti politique et la trêve bilatérale conclue avec l'autre organisation de guérilla, l'Armée de Libération Nationale.
Nous avons toujours dit que le silence des armes ne suffit pas pour parvenir à la concorde s'il n'y a pas un vrai changement de mentalité entre les anciennes parties belligérantes.
Une nouvelle époque requiert une nouvelle pensée et quand ce n'est pas le cas il y a des exemples qui prouvent comment la tragédie peut s'étendre jusqu'à l'infini bien qu'une pile de papiers aient été bien rédigés et signés.
C'est justement le cas qui nous occupe maintenant après le massacre perpétré par l'armée et les forces anti-drogues du gouvernement colombien contre des communautés paysannes dans le district de Tumaco, dans le département de Nariño.
Le 5 octobre, les forces de sécurité ont tiré de façon in-discriminée sur des manifestations pacifiques de paysans qui exigeaient l'application du point 4 des Accords de Paix concernant le remplacement des cultures illicites.
Ce point précise qu'il ne suffit pas d'éradiquer ou de détruire les cultures de coca, de pavot ou de marihuana, mais qu'il est indispensable de générer le développement rural pour éliminer la pauvreté et l'exclusion qui poussent beaucoup de paysans à se situer en marge de la loi.
Jusqu'à présent, cependant, le gouvernement colombien n'a pas appliqué des programmes permettant d'améliorer la vie des familles dans les zones rurales ou de les protéger des bandes de narcotrafiquants ou de la voracité de gros propriétaires terriens qui leurs privent de leurs terres.
C'est l'origine des protestations qui ont été étouffées à feu et à sang avec un bilan de 9 morts et d'au moins 50 blessés et c'est une preuve du fait que les forces de sécurité privilégient la violence extrême pour faire taire les expressions de mécontentement populaire.
Le massacre de Tumaco, qualifié par beaucoup comme un crime de lèse humanité, n'est pas le premier incident survenu dans cette communauté.
En mars dernier, une unité répressive, l'Escadron Mobile Anti-èmeutes a tiré sur une foule qui protestait contre l'élimination forcée de cultures illicites alors que l'accord prévoit un processus graduel, volontaire à travers le remplacement par d'autres cultures.
Aux faits récents s'ajoute l'assassinat hier de la dirigeante et communicatrice indienne, Efigenia Vásquez, qui couvrait des manifestations de paysans qui réclamaient des terres dans le district de Puracé, dans le Cauca, lorsque la police a ouvert le feu.
Il s'agit de sérieux signaux à l'intention du président Juan Manuel Santos qui, rappelons-le, a reçu le Prix Nobel de la Paix pour les accords signés avec les FARC-AP mais qui n'a pas encore réussi à ce que ce rêve devienne progressivement une réalité pour une société fracturée par un demi-siècle d'affrontement armé.
Nous insistons sur le fait qu'il faut absolument un changement de mentalité au sein de l'armée, de la police et des gros propriétaires terriens et que la voie paramilitaire cesse d'être une alternative de pouvoir pour que tous les accords qui ont été signés ne restent pas lettre morte.