Du jamais vu depuis la fin de la dictature militaire en 1988 ! C'est ce qui est arrivé cette semaine au Brésil lorsqu'en vertu d'un décret du président de facto, Michel Temer, approuvé par le parlement, l'armée a été déployée dans les rues de l'état de Rio de Janeiro dans une tentative désespérée de mettre un frein à la violence que génèrent les bandes de trafiquants de drogues et d'autres formes du crime organisé
Depuis lundi, avant l'approbation de ce décret par la Chambre des Députés, quelque 3000 effectifs des forces armées, avec la participation de la marine de guerre, de l'armée de terre et de la DCA ont occupé les principaux points d'accès à cet état situé dans le sud-est du Géant Sud-américain.
Rio de Janeiro est devenu un des points les plus violents de la géographie brésilienne et, rien qu'en 2017, il y a eu, en moyenne, 16 fusillades par jour qui ont fait 6 700 morts dont 100 policiers et 10 enfants.
La situation a dépassé la capacité des autorités et des forces de la police locale et c'est là l'argument avancé par Temer pour ordonner une intervention militaire qui durera au moins jusqu'à la fin de l'année et qui éveille une grande préoccupation dans tout le pays à cause des implications qu'elle pourrait avoir.
Selon le président de facto, le crime organisé s'est emparé de Rio de Janeiro et la seule possibilité de faire revenir la situation à la normale est le recours à la force militaire ce qui fait prévoir une répression sans limites et une spirale croissante de la violence qui laissera la population civile au milieu d'un affrontement de deux forces bien armées.
Les doutes sont compréhensibles car l'armée dans ces pays n'est pas une institution habilitée pour exercer des tâches policières.
La philosophie de sa formation est autre et elle n'inclut pas d'habitude des aspects comme la connaissance profonde des lois et le respect des garanties individuelles, légales et constitutionnelles de la population.
Les militaires s'y connaissent beaucoup en tactiques et en stratégies propres de leur fonction fondamentale qui est celle de garantir l'intégrité de la souveraineté nationale mais pas les tâches correspondantes au maintient de l'ordre et de la légalité dans les rues.
Mais, ce qui est plus grave encore c'est qu'en vertu du décret de Temer, la police restera subordonnée aux commandements militaires.
Des expériences précédentes dans d'autres pays n'ont pas donné les résultats escomptés et au Mexique, par exemple, l'utilisation de l'armée dans la lutte contre le trafic de drogue a déclenché une guerre qui a fait jusqu'à présent des dizaines de milliers de morts ou disparus.
Il ne faut pas non plus oublier que la situation à Rio de Janeiro est le résultat de l'incompétence des autorités, de la corruption et des politiques néo-libérales de l'actuel gouvernement putschiste qui se livre au démantèlement des programmes de bénéfice social des gouvernements précédents du Parti des Travailleurs.
La violence est la fille légitime de la pauvreté et Temer se trompe du tout au tout s'il pense qu'il pourra la combattre avec plus de violence tandis que d'un autre côté il serre plus la corde autour du cou de millions de personnes qui ont vu se volatiliser les acquis des dernières années.
Il devrait rappeler plutôt que quand les gens perdent tout, elles ont tendance aussi à perdre la peur.