La population mexicaine rappelle aujourd'hui, avec de nombreuses activités, le 50e anniversaire d'un des épisodes les plus douloureux survenus dans l'histoire récente du Mexique, connu sous le nom de « Massacre de Tlatelolco » au cours duquel sont morts ou disparus de nombreux jeunes aux mains des forces de sécurité et de groupes para-militaires.
Le 2 octobre 1968, une grande manifestation d'étudiants et de professeurs de plusieurs universités ainsi que de représentants d'organisations sociales et syndicales a été organisée sur la Place des Trois Cultures, à Mexico, la capitale, et située à proximité de l'édifice qui a accueilli, pendant des années, le Secrétariat aux Relations Extérieures, nommé la Tour de Tlatelolco.
On assistait, depuis cette année-là, à une montée de la tension avec le gouvernement en raison des revendications des étudiants regroupés au sein du Conseil National de Grève qui exigeait la libération de nombreux activistes emprisonnés, une ouverture démocratique dans le pays, l'élimination de l'autoritarisme et des inégalités sociales.
Le gouvernement, présidé alors par Gustavo Díaz Ordaz a criminalisé la protestation, qualifié ses leaders de terroristes et il les a accusés de faire partie d'un complot international ayant pour but de renverser son gouvernement.
Dans le but d'en finir avec le mouvement étudiant, le gouvernement a eu recours à l'armée et à la police qui ont encerclé la place alors que des paramilitaires ayant pris position sur les toits des édifices proches ont ouvert le feu sur les manifestants et sur les militaires qui, se croyant attaqués par la foule, ont commencé à tirer sur elle.
Il n'y a pas de bilan officiel des victimes mais des témoins oculaires assurent que des camions de l'armée chargés de cadavres partaient vers une destination inconnue. L'on ne sait pas non plus combien de manifestants ont été arrêtés ou disparus au cours d'un des crimes d'état les plus graves commis dans notre région.
Plusieurs études estiment à des centaines et même à des milliers le nombre de morts et certains parlent même de dizaines de milliers mais les données sont imprécises à cause de la forte censure décrétée par le gouvernement de Díaz Ordaz et ce n'est que jusqu'en 2018, à l'occasion du 50e anniversaire de cette tragédie que l'état a assumé la responsabilité et formé une commission pour la réparation aux victimes.
Le massacre brutal de Tlatelolco a marqué la société mexicaine malgré le silence imposé à la presse et il y eu une grande condamnation lorsque, dix jours après, le président inaugurait les Jeux Olympiques de Mexico en 1968, dédiés, paradoxalement , à la paix.
Il a été aussi le point de départ pour l'organisation de groupes clandestins et pour la formation de guérillas urbaines et rurales qui ont été combattus avec force.
Des chercheurs mettent l'accent sur la participation active à la répression contre les étudiants, de l'Agence Centrale de Renseignements des États-Unis, la tristement célèbre CIA, surtout en ce qui concerne l'infiltration d'agents au sein du mouvement et la diffusion de fausses informations pour discréditer ses dirigeants, des tactiques qui sont très connues aujourd'hui.
La douleur, la rage, la frustration des survivants du massacre et des proches des victimes sont encore des blessures béantes et elle le resteront tant que la justice et la réparation seront absentes.