Par : Guillermo Alvarado
Trente et un ans après le massacre d'El Mozote, l'un des plus terribles de l'histoire moderne de l'Amérique Latine, l'armée salvadorienne refuse obstinément de remettre les documents qui permettraient de traduire en justice les auteurs intellectuels et matériels de ce crime.
À quatre reprises ces dernières semaines, le haut commandement militaire salvadorien a refusé de se conformer à un ordre émis par la Cour suprême de justice, arguant que l'entité armée n'est pas obligée de respecter cet arrêt, ce qui revient à dire qu'elle se considère au-dessus de toute loi.
C'est ce qu'a exprimé le ministre de la Défense, René Merino, dans une lettre envoyée à la Cour suprême où il affirme que l'institution qu'il dirige ne fait pas partie de ce procès et que l’on ne peut pas considérer qu’elle ait un intérêt direct dans le but ultime poursuivi par celui-ci.
Entre le 10 et le 13 décembre 1981, le bataillon anti-insurrectionnel Atlacatl, entraîné par les États-Unis à la tristement célèbre École des Amériques, alors située au Panama, a occupé le village d'El Mozote et d'autres localités voisines dans le nord du département de Morazán.
Les militaires ont détenu la population civile, séparé les hommes, les femmes et les enfants et ont procédé à des interrogatoires par la torture pour recueillir des informations sur les rebelles.
Chaque personne, quel que soit son âge ou son sexe, était systématiquement exécutée après avoir été soumise à des traitements cruels.
Les organisations humanitaires estiment qu'à cette époque, un millier d'habitants de cette région du Salvador ont été abattus de sang-froid, dont plus de la moitié étaient des enfants.
Malgré les preuves et les témoignages de quelques survivants, les gouvernements successifs du Salvador ont nié ce crime contre l'humanité, jusqu'à ce que des centaines de corps soient déterrés par une organisation argentine de médecins légistes et qu'il soit impossible de dissimuler le massacre.
Le 16 janvier 2012, le président de l'époque, Mauricio Funes, a présenté des excuses au nom de l'État aux victimes et à leurs familles, tout en reconnaissant la responsabilité de l'armée dans ces événements.
Cependant, personne n'a jamais été traduit en justice. Pendant longtemps, les militaires ont prétendu que ces dossiers, qui contiennent les noms des unités et de leurs chefs pendant cette opération, «ont été perdus».
Maintenant, ils refusent tout simplement de reconnaître un arrêt de la Cour suprême, ce qui montre que le mépris de la loi et de la vie prévaut toujours dans cette institution.