Par: Guillermo Alvarado
L’un des problèmes dont Gabriel Boric va hériter lorsqu’il occupera le fauteuil présidentiel du Chili, une cérémonie prévue pour le 11 mars, sera la question épineuse des milliers d’enfants qui ont été arrachés à leurs familles durant la dictature d’Augusto Pinochet entre 1973 et 1990.
On ne connaît pas le nombre exact de victimes de cette affaire sinistre, mais selon une enquête ordonnée par la Cour Suprême de Justice en 2017, menée par l’expert en droits de l’homme Mario Carroza, a conclu que le chiffre doit frôler environ les 20 mille cas.
La grande majorité de ces bébés étaient donnés en adoption à des familles à l’étranger contre des paiements oscillant entre sept mille et 150 mille dollars, qui étaient répartis dans un réseau formé d’avocats, de fonctionnaires, de médecins et de personnel de crèche.
Selon un article de Dominique Galeano, récemment publié par le quotidien argentin Pagina 12, la destination de nombreux enfants ont été les États-Unis, la Suède, l’Italie et la France, entre autres.
Pour perpétrer le vol de bébés, a-t-il déclaré, les mères, généralement pauvres et illettrées, ont été « convaincues » de signer des documents qu’elles ne comprenaient pas ou on les trompait en leur faisant croire que leurs bébés étaient mort-nés.
Des documents et des preuves ont été également falsifiés dans le but de déclarer les parents inaptes à élever leurs enfants, de leur retirer la garde et de les envoyer prétendument dans des foyers pour enfants.
Il s’agit de crimes pervers, qui selon certaines indications, ont également été commis en Espagne pendant la dictature de Francisco Franco, ainsi que dans certains pays centraméricains.
Les premières allégations au Chili ont été révélées par un rapport du Centro de Investigación Periodística, (Centre de recherche journalistique en français), publié en 2014, bien que selon Galeano, certaines familles aient affirmé qu’un prêtre catholique était l’intermédiaire des adoptions illégales.
Il existe désormais un plan pilote visant à retrouver 700 enfants, avec des ressources pour mener des enquêtes et des tests ADN à l’intérieur et à l’extérieur du Chili, mais il est minime par rapport au nombre de victimes.
Karen Alfonso, chercheuse à l’Université chilienne, a souligné que le régime de Pinochet a fait des adoptions irrégulières une politique d’état pour « améliorer » ses relations avec des secteurs de droite et d’extrême droite d’autres pays, notamment la Suède.
Le gouvernement de Boric devra travailler très dur pour donner des réponses à ces milliers de familles qui tentent de reconstruire leur histoire, brisée de manière brutale et perverse par la dictature.