Par Roberto Morejón
Il peut s'agir de balles ou de billes, mais le gros des décès survenus lors des manifestations de ces deux derniers mois au Pérou correspond à cette forme de violence, fondamentalement institutionnelle, alors que la présidente désignée, la classe politique et l'élite économique se cramponnent à leur poste.
Avec les derniers décès causés par l'usage de la force dans les régions du sud, comme la ville de Juliaca, durement touchée, le chiffre atteint 70, tandis que le nombre de personnes blessées en 60 jours a dépassé 1 200, selon le bureau du médiateur.
Marches, barrages routiers, exhibition d'équipements hostiles par la police et d'autres personnels de sécurité, demandes de démission de la présidente Dina Boluarte, dissolution du Congrès et appel à de nouvelles élections, tout cela domine le panorama enflammé du pays andin.
Mais le parlement contrôlé par la droite, avec moins de 7 % d'approbation, Boluarte et la classe aisée majoritairement blanche justifient les meurtres car, selon eux, les manifestants qu’ils qualifient de terroristes en seraient les responsables.
Ils le font dans un déni total du sort de l'autre Pérou, majoritairement du sud, d'origine paysanne et indigène, pauvre, oublié et victime d'inégalités.
Des discours et des menaces sont proférés à leur encontre, et le racisme prévaut, y compris parmi le personnel en uniforme lui-même.
Les manifestants le font savoir à la presse, qui tente de les atteindre au milieu des balles.
Les organisations de défense des droits de l'homme ont fait état d'arrestations arbitraires, y compris celles de mineurs, et de mauvais traitements.
En outre, aucun fonctionnaire, militaire ou membre du personnel de sécurité n'a été inculpé pour la mort des protestataires, bien que le gouvernement affirme attendre les enquêtes du bureau du procureur.
La détérioration de la situation des droits de l'homme au Pérou est indéniable, même si elle n'est pas reconnue par le gouvernement, ni par l'ambassade des États-Unis, qui a été très polie avec Boluarte, ni par l'OEA, qui est maintenant silencieuse, contrairement à son habituel parti pris interventionniste.
Seule cette connivence sauve la présidente intérimaire du départ forcé, tandis que le pouvoir législatif, refusant de renoncer à ses privilèges, refuse d'avancer les élections.
Le Pérou semble s'engager dans une impasse, les représentants de l'État et du gouvernement s'accrochant à leurs positions jusqu’à présent inébranlables.