Tiré du site www.diplomatie.gouv.fr
Monsieur le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mes chers Compatriotes,
Chers Amis cubains,
Je suis heureux de vous rencontrer ici à l'occasion de la première visite d'un ministre français des affaires étrangères depuis trente et un ans. J'ai souhaité, à l'invitation du gouvernement cubain, me rendre en visite officielle à La Havane. L'objet de cette visite, que j'aurais aimée plus longue, est de renouer les fils de notre histoire commune, distendus ces dernières années.
L'histoire entre Cuba et la France est en effet ancienne et souvent passionnée. Elle a commencé avec l'arrivée des corsaires français sur les côtes cubaines au XVIème siècle. Il s'agissait de corsaires normands pour être plus précis, c'est donc peut-être aussi un tropisme normand qui me conduit ici à La Havane, de manière, je le précise, totalement pacifique.
S'il fallait décrire les liens historiques qui unissent nos deux pays, j'utiliserais deux mots : la solidarité et la culture.
La solidarité, c'est par exemple celle de Victor Hugo, ému par le courage des insurgés cubains, en particulier des femmes de Cuba qui s'étaient adressées à lui. En 1870, depuis son exil, il parlait à leur propos d'«un lever d'aurore au fond de son âme». Quatre ans plus tard, de retour à Paris, Hugo accueillit un autre géant en exil, le père de l'indépendance cubaine José Martí.
Fait moins connu, plusieurs personnalités politiques françaises sont nées à Cuba, comme le socialiste Paul Lafargue, l'auteur du «Droit à la paresse», ou Severiano de Heredia, président du Conseil municipal de Paris en 1879 puis ministre des travaux publics. Ce dernier fût la première personnalité de couleur à occuper de hautes fonctions politiques en France.
La culture, ce sont tant de grands noms - le poète José María de Heredia, Sarah Bernhardt, Wifredo Lam, Alejo Carpentier pour n'en citer que quelques-uns - qui ont témoigné d'une façon ou d'une autre de cette attirance mutuelle entre nos deux peuples.
Mais ce qui illustre peut-être le mieux cette attirance culturelle, c'est le dynamisme de la francophonie à Cuba. On compte 12 000 élèves à l'Alliance française de La Havane, soit 1 pour 200 habitants. C'est sans doute un record mondial ! Je salue cette institution cubaine intimement liée à la présence culturelle et linguistique de la France. J'exprime ma reconnaissance au président du conseil d'administration de l'Alliance Français de Cuba, le professeur Eduardo Torres Cuevas, qui préside aussi le groupe parlementaire d'amitié Cuba/France. Et je remercie chaleureusement l'Historiador de La Havane, le député Eusebio Leal, qui a mis à la disposition de l'Alliance le magnifique Palais Gomez. Cette implantation donnera un cadre exceptionnel, dès cette année, à notre action culturelle et à l'essor de notre langue à Cuba.
Chers Amis,
Nous souhaitons développer sur divers plans ces liens qui nous viennent de l'histoire. D'abord au niveau politique. Depuis deux ans, le gouvernement français a relancé nos relations avec l'Amérique latine et les Caraïbes. Nous nous inscrivons, sans arrogance, dans le chemin tracé voici un demi-siècle, en 1964, par le général de Gaulle, et le président Hollande vient, 50 ans après, d'accomplir une visite d'État très réussie au Mexique. Cette stratégie régionale passe par un renforcement des liens avec Cuba. Il y a deux mois, c'est ici, à La Havane, que le coeur de l'Amérique latine et de la Caraïbe a battu avec la réunion très réussie des chefs d'État et de gouvernement de la région. C'est aussi à La Havane que se tiennent les négociations du processus de paix en Colombie, auquel la France renouvelle son plein soutien. Le rôle joué par Cuba en appui de ce processus est reconnu et salué.
Développer notre dialogue politique, ce n'est pas prétendre être d'accord sur tout. Des trajectoires historiques évidemment différentes sont à relier avec des sensibilités distinctes. Je pense à certains dossiers internationaux et aux droits de la personne. Nous, Français, avons un attachement profond aux valeurs issues de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Cuba a réalisé des avancées s'agissant par exemple du droit à l'éducation ou à la santé. Mais nous pensons que les droits politiques sont également indispensables. Ces dernières années, des évolutions sont intervenues, s'agissant notamment des prisonniers politiques ou du moratoire de facto sur la peine de mort dont nous souhaitons l'abolition définitive, partout dans le monde. Il demeure que des progrès importants restent à accomplir.
Pour tenir compte de ces éléments, en 2008, l'Union Européenne a repris, sous présidence française, le dialogue avec Cuba. C'est aussi pour accompagner ces évolutions que nous avons pesé pour que l'UE se dote, au début de l'année, d'un mandat de négociation à l'issue de laquelle s'ouvrira une nouvelle période de coopération entre l'Europe, la France et Cuba. Nous nous réjouissons de cette évolution européenne que nous soutenons.
Car, s'il existe des différences, les convergences sont également nombreuses. Cuba et la France, nous partageons une passion pour l'indépendance, un attachement à la diversité culturelle, une volonté de travailler ensemble sur certains sujets. Nous pourrions mettre en place des programmes conjoints au service des populations dans des pays tiers. Je pense aussi au dérèglement climatique, qui constitue une préoccupation commune, particulièrement aigüe pour les États insulaires des Caraïbes. C'est pourquoi nous avons décidé de préparer ensemble la Conférence «Paris Climat 2015» qui fera suite à celle de Lima cette année.
Je suis aussi venu à Cuba avec la volonté de donner une impulsion nouvelle aux échanges économiques et commerciaux. La France est le 9ème partenaire commercial de Cuba dans des domaines variés. Nous pouvons et nous devons faire plus. C'est pourquoi je suis accompagné de représentants d'entreprises. C'est aussi pour atteindre cet objectif que nous avons décidé d'ouvrir une antenne d'Ubifrance dont le représentant vient juste d'arriver.
Et puis, il y a les investissements. Plusieurs dizaines d'entreprises françaises ont fait le choix de s'installer à Cuba. Il s'agit de grands groupes comme Accor, Air France, Alcatel, Bouygues, Pernod-Ricard et Total, mais aussi de PME dynamiques et bien implantées. Les représentants des entreprises françaises m'ont dit les espoirs qu'ils plaçaient dans la loi sur les investissements étrangers qui vient d'être adoptée. À ceux-là viendront s'ajouter dans les années qui viennent de nouveaux arrivants. Ils pourront s'appuyer sur la mobilisation de notre réseau diplomatique et commercial.
Pernod-Ricard, à travers une entreprise mixte franco-cubaine, produit un véritable monument national, le rhum Havana Club. Il se heurte à des difficultés sur le marché nord-américain. Nous devons défendre la propriété intellectuelle.
C'est l'occasion d'aborder une question qui affecte la vie quotidienne de la population cubaine et des étrangers qui vivent à Cuba ou commercent avec ce pays : je veux parler de l'embargo imposé à Cuba depuis plus d'un demi-siècle. Notre position sur ce sujet est claire, annuellement réaffirmée dans notre vote en faveur de la résolution de l'ONU contre ce qu'on appelle le «blocus économique, commercial et financier». Alors que s'est engagée la négociation d'un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne, il est très souhaitable que la situation évolue. J'espère que plusieurs déclarations récentes de responsables politiques américains qui vont dans ce sens seront suivies d'effets concrets.
* *
La relation franco-cubaine se tisse au quotidien par les liens humains entre nos deux peuples. Vous en êtes, chers compatriotes, les acteurs les plus engagés et je souhaite vous en remercier chaleureusement. Vous pouvez compter pour cela sur l'appui des services de l'État installés à Cuba. J'accorde une importance particulière à la scolarisation de vos enfants dans les meilleures conditions. Nous veillerons à ce que le lycée Alejo Carpentier puisse poursuivre l'essor de ces dernières années.
Je souhaite aussi favoriser la mobilité des jeunes, des étudiants, des touristes. La levée récente par les autorités des restrictions au départ de Cuba ouvre de nouvelles perspectives. Nous sommes heureux que la France ait été choisie comme invité d'honneur à la foire internationale du tourisme qui aura lieu à La Havane en mai. À travers ses entreprises - Air France, Accor et Bouygues notamment - la France apporte déjà une contribution majeure au développement du tourisme à Cuba. Air France a ouvert sa première liaison sur La Havane, il y a un peu plus de quinze ans : le nombre de vols hebdomadaires est passé de 3 à 10, et même à 14 si on inclut KLM. Les voyageurs qui vont de Cuba en Europe, mais aussi en Afrique ou en Asie, et ceux qui font le trajet inverse, utilisent majoritairement l'escale de Paris.
À propos du volet humain de la relation franco-cubaine, on ne peut oublier évidemment sa dimension antillaise. Cuba est la puissance principale de la Caraïbe, où la France est présente depuis bientôt quatre siècles. Nous connaissons les difficultés qui entravent les échanges humains et commerciaux au sein des Antilles. Le renforcement de l'insertion des départements français d'Amérique dans leur environnement régional, avec l'appui du gouvernement français, est l'occasion de dépasser ces obstacles. L'ouverture d'une liaison aérienne La Havane - Fort de France constitue une étape importante dans cette direction. Il nous faut également intensifier nos efforts contre les trafics de drogue et d'êtres humains qui menacent la stabilité de l'ensemble de la Caraïbe. Une coopération franco-cubaine existe dans ce domaine, nous devons la renforcer.
* *
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
J'ai fait référence tout à l'heure à Victor Hugo et José Martí pour illustrer l'amitié qui existe entre nous autour de la culture et de la solidarité face à l'adversité. Je souhaiterais conclure en évoquant un autre «couple» franco-cubain emblématique, celui d'Alejo Carpentier et de Robert Desnos, dont l'amitié s'est nouée à La Havane et s'est poursuivie à Paris. Le poète français admirait «ces jeunes hommes farouchement possédés d'indépendance et de liberté» qu'il avait rencontrés à Cuba. Lui répond la fascination d'Alejo Carpentier pour les idéaux des Lumières et de la Révolution Française qui ont irrigué toute son oeuvre. Je forme un souhait : nous inscrire dans les pas de ces grandes personnalités et renouveler l'amitié franco-cubaine en lui donnant des traductions concrètes dans tous les domaines ! C'est le sens de ma présence ici.
Vive l'amitié entre Cuba et la France !.
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