Díaz-Canel appele à l'élimination des disparités dans le monde

Édité par Reynaldo Henquen
2023-09-15 21:22:56

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Allocution de M. Miguel Díaz-Canel Bermúdez, Président de la République de Cuba, à l’ouverture du Sommet des Chefs d’État ou de Gouvernement du Groupe des 77 et de la Chine consacré aux enjeux du développement : rôle de la science, de la technologie et de l’innovation, La Havane, 15 septembre 2023.

Excellence,

Chers délégués et invités,

Soyez tous bienvenus à Cuba, la terre de José Martí à qui nous devons cette belle idée : La patrie, c’est l’humanité.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à nous unir pour défendre les grandes majorités qui forment justement le gros de ce vaste concepteur unificateur : l’humanité.

Comme notre ministre des Relations extérieures l’a dit avant-hier, ce sommet sera austère. J’espère que vous saurez nous pardonner les carences sur lesquelles vous pourriez buter. Cuba est, au sens littéral du terme, encerclé par un blocus de plus de soixante ans, qui a été récemment durci et qui nous cause toutes sortes de difficultés.

Nous nous heurtons aussi, bien entendu, aux problèmes colossaux qui découlent de l’ordre international injuste en vigueur, mais là nous ne sommes pas les seuls. Ce sont justement ce cumul de difficultés et l’espoir que nous pourrions, ensemble, leur faire face et les vaincre qui nous ont fait naître comme groupe voilà presque soixante ans. Nous sommes les 77 et la Chine. Et nous sommes plus.

Comme vous pourrez le constater ces jours-ci, nous manquons de bien des choses, mais nous avons en revanche des sentiments d’amitié, de solidarité, de fraternité à revendre, et nous ferons l’impossible pour que vous sentiez en famille. Vous êtes chez vous.

Soyez aussi sûrs que nous ferons tout pour que nos délibérations aboutissent à des résultats tangibles, dans un climat de solidarité et de coopération qui rende possible n’importe quelle mission collective.

Le Groupe des 77 et de la Chine porte l’immense responsabilité de représenter sur la scène internationale les intérêts de la majorité des nations de la planète. Nous conservons son appellation originale pour des raisons historiques et identitaires, mais sommes plus, bien plus que soixante-dix-sept pays. Nous sommes aujourd’hui cent trente-quatre, soit plus des deux tiers des États membres de l’ONU et nous représentons 80 p. 100 de la population mondiale.

Nous réunir à un sommet nous offre l’occasion de délibérer collectivement au plus haut niveau politique afin de conjuguer nos efforts pour défendre les intérêts de ces majorités, nous aide aussi à concerter nos positions dans le cadre des enjeux actuels du développement et en vue du bien-être de nos peuples. Mais cela nous impose aussi des remises en question.

Au terme de presque soixante ans de dures batailles diplomatiques pour tenter, mais sans succès à ce jour, de transformer les règles injustes et anachroniques qui régissent les relations économiques internationales, il vaut la peine de rappeler les appels à démocratiser l’ONU qu’ont lancés nos leaders historiques, les avertissements de Fidel Castro : « Demain, il sera trop tard ! » et la phrase inoubliable de Hugo Chávez : « Nous, les présidents, nous allons de sommet en sommet et nos peuples d’abîme en abîme ! »

Le dirigeant bolivarien préconisait des réunions vraiment utiles d’où pourraient émaner des bénéfices concrets pour les peuples qui attendent des solutions, placés au bord du gouffre à cause de l’égoïsme de ceux qui, depuis des siècles, se partagent le gâteau et nous laissent les restes…

Ce Sommet se déroule à un moment où l’humanité a atteint un potentiel scientifico-technique inimaginable voilà à peine une vingtaine d’années, et s’est dotée d’une capacité extraordinaire à créer de la richesse et du bien-être qui, s’il régnait plus d’égalité, d’équité et de justice, pourraient garantir une vie digne, confortable et soutenue à presque tous les habitants de la planète.

Si nous colorions sur une mappemonde l’espace qu’occupent le Groupe des 77 et la Chine, nous constaterions deux forces que nul ne surpasse : nous sommes plus et nous sommes plus divers. Le Sud existe aussi, écrivit le poète uruguayen Mario Benedetti. Le Nord a eu tout son temps à lui pour accommoder le monde à ses intérêts, au détriment de ceux des autres. Eh ! bien, il est temps pour le Sud de changer les règles du jeu.

« C’est l’heure des hauts fourneaux, et l’on ne doit voir que la lumière », écrivait José Martí. Étant donné que la grande majorité des membres du G-77 sont les principales victimes de la crise économique multidimensionnelle que souffre aujourd’hui le monde, des désajustements cycliques du commerce et des finances internationaux, de l’échange inégal et abusif, du fossé qui se creuse en matière de science, de technologie et de connaissance, du risque de destruction progressive et d’épuisement des ressources naturelles dont dépend la vie sur notre planète, nous exigeons dès à présent, et de plein droit, la démocratisation du système des relations internationales.

Ce sont les peuples du Sud qui souffrent le plus de la pauvreté, de la faim, de la misère, de l’analphabétisme, ce sont eux qui meurent de maladies curables, qui sont les premières victimes de déplacements forcés et d’autres conséquences du sous-développement. On dit de beaucoup de nos nations qu’elles sont pauvres : on devrait les appeler à proprement parler des nations appauvries. Et il faut inverser cette condition à laquelle nous ont conduits des siècles de dépendance coloniale et néocoloniale, parce qu’elle n’est pas juste et parce que le Sud ne supporte plus le poids mort de tous ces malheurs.

Ceux qui ont bâti des cités éblouissante grâce aux ressources, à la sueur et au sang des nations du Sud souffrent dès à présent – et elles les souffriront désormais toujours plus – des conséquences des déséquilibres économiques et sociaux qu’a favorisé notre mise à sac, parce que nous voyageons sur le même navire, bien que certains le fassent en première classe et d’autres dans la soute.

La seule voie viable pour que ce navire ne connaisse pas le sort du Titanic, c’est la coopération, la solidarité, la philosophie africaine de l’ubuntu qui comprend le progrès humain sans exclusions, quand la douleur et l’espoir de chacun seront la douleur et l’espoir de tous.

Excellences,

Nous avons proposé comme axe thématique de ce Sommet le rôle de la science, de la technologie et de l’innovation en tant que composantes essentielles du débat politique associé au droit.

Et si nous l’avons fait, c’est parce que nous sommes convaincus que ce sont les acquis et les avancées dans ces domaines qui diront, au bout du compte, s’il est possible – et quand – d’atteindre les nobles Objectifs de développement durable : l’élimination de la pauvreté ; faim zéro dans le monde ; la santé et le bien-être ; l’éducation de qualité ; l’égalité entre les sexes ; l’eau potable et l’assainissement ; la solution des problèmes de l’énergie ; le travail ;  la croissance économique ; l’industrialisation et la justice sociale.

Je suis aussi absolument convaincu qu’il sera impossible de progresser vers un mode de vie durable, en harmonie avec les conditions naturelles qui garantissent la vie sur la planète sans ces prémisses.

Et il coule de source que la connaissance comme créatrice de science, de technologie et d’innovation aura d’une manière ou d’une autre un rôle à jouer dans la transformation qui conduira à la réalisation de ces objectifs.

Il faut d’ores et déjà abattre les barrières internationales qui ont entravé l’accès des pays en développement à des facteurs aussi déterminants pour la progression économique et sociale et leur mise à profit par ceux-ci.

Je parle de barrières intimement associées à un ordre économique international injuste et intenable, qui perpétue les privilèges des pays développés et relègue au sous-développement la part majoritaire de l’humanité.

Sans se colleter avec ces facteurs, il sera absolument impossible d’accéder au développement durable auquel nous avons tous droit, aurait-on beau se fixer des tas de cibles.

Pas plus qu’il ne sera possible de colmater l’immense brèche entre la vie privilégiée d’un segment réduit de la population mondiale et le sous-développement qui est le lot accru des grandes majorités.

Et comment espérer instaurer sans ça un monde de paix d’où seront bannis les guerres et les conflits armés sous toutes leurs formes ?

La science, la technologie et l’innovation jouent un rôle capital dans l’amélioration de la productivité et de l’efficacité, dans la création de valeur ajoutée, dans l’humanisation des conditions de travail, dans la promotion du bien-être et dans la garantie du développement humain.

Nous vivons la plus grande révolution scientifique et technique qu’a connue l’humanité. La science a modifié le cours même de la vie. L’être humain a été capable de connaître l’espace sidéral et de mettre au point des machines complexes qui automatisent jusqu’aux processus les plus élémentaires de l’existence.

L’Internet a supprimé les limites spatiales et temporelles. Le développement technologique a permis de connecter le monde entier et d’éliminer d’un clic des distances de milliers de kilomètres. Il a multiplié les capacités d’enseignement et d’apprentissage, accéléré les recherches et doté l’être humain de capacités insoupçonnées pour améliorer les conditions de vie.

Mais ces possibilités ne sont pas à la portée de tout le monde.

L’ONUDI a signalé à cet égard que la création et la diffusion des technologies de production numérique avancée restent concentrées à l’échelle mondiale, et que leur développement est très faible dans la plupart des économies émergentes. Dix économies – leaders en technologies avancées – monopolisent à elles seules 90 p. 100 de tous les brevets mondiaux et 70 p. 100 du total des exportations qui leurs sont associées.

Loin de se convertir en instruments pour combler le fossé du développement et de contribuer à surmonter les injustices qui menacent la destinée même de l’humanité, elles tendent à devenir des armes pour creuser encore plus ce fossé, soumettre la volonté de nombre de nos gouvernements et protéger le système d’exploitation et de mise à sac qui a alimenté, des siècles durant, la richesse des anciennes puissances coloniales et relégué nos nations à un rôle de figurant.

Ce qui explique pourquoi, au beau milieu du développement scientifique et technique le plus colossal de tous les temps, le monde a reculé de trois décennies face à l’objectif de réduire la pauvreté extrême, et offre des niveaux de famine inconnus depuis 2005.

Ce qui explique pourquoi, dans le prétendu Tiers-monde, plus de 84 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et plus de 600 millions de personnes vivent sans électricité, pourquoi seuls 36 p. 100 de la population mondiale utilisent l’Internet dans les pays les moins avancés et dans les nations en développement sans littoral, face à 92 p. 100 dans les pays développés.

Le prix moyen d’un téléphone intelligent ne représente que 2 p. 100 du salaire moyen en Amérique du Nord, face à 53 p. 100 en Asie du Sud et 39 p. 100 en Afrique subsaharienne. Comment parler sérieusement, devant de telles réalités, d’avancées technologiques ou d’accès équitable aux communications ?

La transition énergétique se déroule aussi dans des conditions de profonde inégalité qu’on aspire à perpétuer.  La disparité dans la consommation énergétique entre les pays développés (167,9 GJ/habitant) et les pays en développement (56,2 GJ/habitant) est à la fois conséquence de l’écart économique et social existant et cause de son agrandissement. La consommation d’électricité par habitant dans les pays de l’OCDE dépasse de 2,38 fois la moyenne mondiale et de 16 fois celle de l’Afrique subsaharienne.

Une bonne partie des maladies les plus présentes dans les pays en développement sont justement celles qu’il est possible de prévenir ou de guérir. L’Organisation mondiale de la santé signale dans son Rapport annuel que huit millions de personnes meurent prématurément chaque année de maladies et d’affections curables, soit environ le tiers du total mondial. Un habitant d’un pays occidental dépense en moyenne 947 dollars en soins de santé, mais à peine 20 dollars un habitant des pays à bas revenus.

Nous avons le devoir de tenter de changer les règles du jeu, et nous n’y parviendrons que si nous nous mobilisons dans une action conjointe.

Nous nous efforçons tous, ou presque tous, d’attirer l’investissement étranger direct comme composante nécessaire de notre développement et de notre gestion économique. Et nous parvenons parfois à ce qu’il soit accompagné d’un certain transfert de technologie.

Mais nous savons que le cas le plus fréquent, c’est qu’elle ne s’accompagne pas d’un transfert de connaissances et d’une aide au renforcement des capacités, ce qui explique pourquoi les pays en développement se situent aux maillons les plus bas des chaînes de valeur mondiales et que leurs recherches en matière de santé, d’alimentation, d’environnement et autres sont très limitées ou accusent une dévaluation systématique.

Ce phénomène va de pair avec le drainage de talents, plus connu comme « vol des cerveaux », que pratiquent les pays les plus développés, ce qui leur permet de tirer profit de la préparation et des connaissances professionnelles de ceux que les pays en développement forment avec beaucoup d’efforts, sans le moindre appui de leur part, en règle générale.

Il s’agit là, non seulement d’un drainage massif, mais d’une contribution financière notable des pays en développement aux pays riches, bien supérieur en fait à l’Aide publique au développement, à partir d’un flux de migration qui a des conséquences dévastatrices pour eux.

N’oublions pas une autre réalité : la tendance, comme y pousse l’Organisation mondiale du commerce, à tout breveter, formes de vie comprises, une pratique qui gonfle les coffres-forts des grandes transnationales dans les pays les plus puissants et fragilise les économies restantes. La privatisation galopante de la connaissance contribue ainsi à creuser l’écart et limite l’accès au développement.

Les brevets font partie de la théologie néolibérale : on peut privatiser, acheter et vendre la connaissance comme n’importe quelle autre marchandise.

On exerce des pressions sur les pays en développement pour qu’ils introduisent des lois portant protection des droits de propriété intellectuelle, et on oublie à dessein que de nombreux pays industrialisés le sont devenus précisément en piratant des produits et des technologies hors de leurs frontières géographiques, notamment dans les pays qui sont aujourd’hui en développement.

Les demandes de brevets ont continué d’augmenter en 2020, en pleine pandémie, à raison de 1,5 p. 100 et ont doublé en 2021 : 3,6 p. 100. Les technologies associées à la santé ont continué d’enregistrer la croissance la plus rapide entre tous les secteurs. En 2021, les demandes de marques commerciales ont atteint 3,4 millions dans le monde, soit 5,5 p. 100 de plus qu’en 2020. Mais elles ont été inégales par régions. L’Asie en a enregistré les deux tiers (67,6 p. 100), surtout en raison de la croissance de la Chine, et l’Amérique du Nord 18,5 p. 100, tandis que les autres régions ont connu une croissance inférieure :  l’Europe, 10,5 p. 100 ; l’Afrique : 0,6 p. 100, l’Amérique latine et les Caraïbes : 1,6 p. 100 et l’Océanie : 0,6 p. 100.

L’écart entre les sexes en matière d’innovation persiste. De 2014 à 2018, la croissance du personnel consacré à la recherche a été trois fois plus rapide (13,7 p. 100) que celle de la population mondiale (4,6 p. 100). En 2018, on comptait 8 854 000 chercheurs, dont seulement le tiers était des femmes. Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), les hommes continuent de représenter la grande majorité des personnes associées aux inventions brevetées dans le monde. En 2021, seul 17 p. 100 des inventeurs à brevets internationaux étaient des femmes.

La privatisation de la connaissance pose des limites à sa circulation et à sa recombinaison, ainsi qu’au progrès et aux solutions scientifiques des problèmes, dresse une barrière significative au développement et au rôle que doivent y jouer la science, la technologie et l’innovation, aggrave les conditions socioéconomiques des pays du Tiers-monde.

Un seul exemple : au cours de la pire pandémie connue par l’humanité, dix fabricants ont monopolisé à eux seuls 70 p. 100 de la production de vaccins contre le Covid-19. La pandémie a mis crument à nu le coût en vies que constitue l’exclusion scientifique et numérique, qui a creusé l’écart entre le Nord et le Sud.

Résultat ? Les pays en développement n’ont eu accès qu’à 24 doses de vaccins pour cent habitants, tandis que les pays les plus riche en disposaient de presque 150. Face à l’appel à multiplier la solidarité et à oublier les dissensions, le monde a fini par devenir absurdement encore plus égoïste.

L’Organisation mondiale de la santé a formulé le syndrome bien connu du 90/10 : 90 p. 100 des ressources de la recherche en santé sont consacrés à des maladies qui causent 10 p. 100 de la mortalité et de la morbidité, mais seulement 10 p. 100 sont alloués à celles qui en provoquent 90 p. 100.

La pandémie passée, nos pays ont dû traverser des circonstances extrêmement complexes, au point de continuer de lutter durement pour s’en sortir.

Quand elles se présentent sur les marchés financiers, les nations du Sud sont en butte à des taux d’intérêt parfois huit fois supérieurs à ceux dont bénéficient les pays développés. Environ le cinquième des économies en développement a dépensé plus de 15 p. 100 de ses réserves internationales de devises pour amortir la pression sur les monnaies nationales.

En 2022, vingt-cinq nations en développement ont dû consacrer plus du cinquième de leurs revenus totaux au service de la dette publique extérieure, ce qui équivaut à une nouvelle forme d’esclavage.

Les dépenses mondiales en recherche-développement ont augmenté de 19,2 p. 100 entre 2014 et 2018, soit plus que l’économie mondiale (14,6 p. 100), mais elles restent extrêmement concentrées, puisque 93 p. 100 proviennent des pays membres du G-20.

Les ressources nécessaires à une solution de fond de ces problèmes existent. Rien qu’en 2022, les dépenses militaires mondiales ont battu un record : 2,24 billions de dollars. Que ne pourrait-on pas faire pour le Sud avec de telles ressources !

La participation inclusive de tous nos pays à l’économie numérique exigerait d’ici 2030 un investissement minimum de 428 milliards de dollars, soit à peine 19 p. 100 de ces dépenses militaires mondiales.

Or, il semblerait que le Sud soit voué à vivre des miettes que le système actuel lui réserve. L’appui financier du Fonds monétaire international aux pays les moins avancés et à ceux à bas revenus n’a pas dépassé, de 2020 à fin novembre 2022, l’argent que Coca-Cola a dépensé en publicité ces huit dernières années.

Entretemps, moins de 2 p. 100 de l’Aide publique au développement, déjà déficiente, a été alloué à des capacités en science, technologie et innovation.

Selon différentes estimations, 9 p. 100 des dépenses militaires mondiales permettraient de financer en dix ans l’adaptation aux changements climatiques (proposition de la Global Comnission on Adaptation), tandis que 7 p. 100 suffiraient à couvrir les dépenses de la vaccination universelle contre la pandémie.

Une architecture financière internationale qui pérennise de telles inégalités et oblige le Sud à immobiliser des ressources financières et à s’endetter pour se protéger de l’instabilité que génère le système en soi, qui enfle les poches des riches aux dépens des réserves des 80 p. 100 les plus pauvres de la population mondiale, est assurément une architecture hostile au progrès de nos nations. Il faut la démolir si nous aspirons à frayer le développement de la grande masse des nations réunies ici.

Excellences,

Notre tâche prioritaire est d’abattre une bonne fois pour toutes les modèles de recherche qui se bornent aux environnements culturels et aux perspectives du Nord et qui privent la communauté scientifique internationale d’un capital intellectuel considérable.

Car c’est là une tendance qui oblige nos nations à récupérer d’urgence la confiance dans l’élément le plus dynamique de nos sociétés : l’être humain et son activité créatrice.

Le renforcement des capacités est à cet égard essentiel pour concrétiser les promesses que la science, la technologie et l’innovation représentent pour le développement durable.

Aussi reconnaissons-nous le mérite de l’Initiative pour le développement mondial lancée par Xi Jinping, président de la République populaire de Chine, une proposition inclusive, adaptée à la nécessité d’instaurer un nouvel ordre international juste et équitable qui situe le développement basé sur la connaissance là où il se doit : au cœur des priorités du système international.

Bien que pays en développement en proie à de graves difficultés économiques, Cuba dispose de capacités scientifiques qu’on ne saurait sous-estimer et qui font partie de l’héritage que nous a léguée le leader historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro Ruz, qui y a vu, en précurseur, une source de renforcement du développement.

Nous disposons d’un système de gestion gouvernementale basé sur la science et l’innovation qui est devenu une grande force pour préserver notre souveraineté, le meilleur exemple en ayant été la création de vaccins à nous contre le Covid-19.

Mais connecter la connaissance à la solution des problèmes du développement constitue pour nous une tâche de géant, parce que nous devons le faire au milieu d’un blocus économique, commercial et financier implacable qui limite sérieusement nos ressources.

Un seul exemple : par décision politique de l’administration étasunienne, de nombreux sites de la Toile consacrés à la connaissance et à la science sont spécifiquement bloqués pour les chercheurs cubains.

Mais ce n’est pas le moment de m’étendre sur les retombées que le blocus économi1que criminel des Etats-Unis a sur notre économie, sur notre progrès scientifique et technique et sur notre développement, et sur son un coût humanitaire tout à fait visible. Mais je tiens à dire, néanmoins, qu’il constitue un obstacle fondamental.

Toutefois, forte d’une volonté politique inébranlable, Cuba a pu atteindre des résultats indiscutables en science et innovation.

Je vous invite à discuter ces jours-ci des enjeux du développement de nos nations, des injustices qui nous écartent du progrès mondial, mais aussi de la valeur de notre unité et de notre riche capital de connaissances.

Orientons nos réflexions vers la recherche de consensus, de stratégies, de tactiques et de formes de coordination. Mettons sur la table tout notre héritage, renforçons nos synergies. Montrons la valeur et le savoir-faire du Sud face à ceux qui prétendent nous présenter comme une masse amorphe en quête de charité ou d’assistance.

Rappelons-nous que maintes nations membres du G-77 ont écrit des pages impressionnantes de créativité et d’héroïsme dans l’histoire de l’humanité, avant que la colonisation et le pillage n’aient appauvri les destinées d’une partie d’entre elles.

Retrouvons cet esprit de lutte, nos connaissances traditionnelles, notre pensée créatrice et notre sagesse collective. Battons-nous pour notre droit au développement, qui est aussi le droit d’exister comme espèce.

Ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure de participer sur un pied d’égalité à la révolution scientifique et technique. Ce n’est qu’ainsi que nous serons capable d’occuper la place qui nous revient dans ce monde où on prétend nous acculer à la condition de gentils fabricants de richesses pour des minorités. Remplissons ensemble la noble mission de compléter ce monde, de l’améliorer, de le rendre plus juste et plus rationnel, sans que la menace permanente de disparaître ne pèse sur nos rêves.

Voilà vingt-trois ans, lors d’une réunion similaire à celle-ci, le leader historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro, avait affirmé :

« Pour le Groupe des 77, il n’est plus temps d’implorer les pays développés, de se soumettre, de faire preuve de défaitisme, d’étaler nos divisions internes ; il est temps de retrouver notre esprit de lutte, de nous unir et de nous consolider autour de nos demandes.

« On nous a promis voilà cinquante ans que le jour viendrait où l’abîme disparaitrait entre les pays développés et les pays sous-développés. On nous a promis du pain et de la justice ; or, il y a toujours moins aujourd’hui de pain et toujours moins de justice. »

Ces réflexions si actuelles pourraient s’interpréter comme un aveu d’échec face à ce que prétendait le Groupe et qu’il n’a pas obtenu. Je vous demande de les prendre au contraire comme une confirmation du long cheminement que nous avons fait ensemble et comme un témoignage des droits qui sont les nôtres d’exiger les changements que nous réclamons.

En hommage à ceux qui ont cru et qui ont fondé. Au nom des peuples que nous représentons, faisons respecter leurs voix et leurs exigences.

Nous sommes plus. Et nous vaincrons.

Je vous remercie.

(Cubaminrex)



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