Le Pape François appelle à un dialogue sérieux pour trouver une issue à la crise colombienne

Editado por Reynaldo Henquen
2021-05-24 09:28:28

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Vatican, 24 mai (RHC)-Le Pape François a  appelé dimanche à un « dialogue sérieux » pour trouver une issue à la crise sociale qui bouleverse la Colombie depuis le 28 avril. Alors que les manifestants dénoncent la répression policière, il a défendu « le droit à manifester pacifiquement ».

« La situation en Colombie reste préoccupante », a déclaré François lors de la prière dominicale de l’Angélus. « En cette solennité de Pentecôte, je prie pour que le cher peuple colombien sache accueillir (…) l’Esprit Saint en sorte qu’à travers un dialogue sérieux, des solutions justes soient trouvées aux multiples problèmes dont il souffre, spécialement les plus pauvres, du fait de la pandémie.

Le pape a également exhorté les forces de l’ordre à « éviter, pour des motifs humanitaires, les comportements nuisibles à la population dans l’exercice de son droit à manifester pacifiquement ».

La Colombie traverse actuellement une troisième vague de pandémie, qui a fait au moins 80 000 morts. Un puissant mouvement social provoque en outre une forte tension politique. Un projet de hausse des impôts, depuis retiré, a déclenché fin avril des manifestations dans tout le pays. La colère a été attisée par les violences qui ont fait des dizaines de morts, pour la plupart civils.

Le 19 mai, l’ex-président et prix Nobel de la Paix Juan Manuel Santos a appelé son successeur, Ivan Duque, à assumer avec « humilité » les abus policiers commis lors des manifestations, afin de désamorcer la crise. « Nous avons besoin de davantage de gestes, nous avons besoin que les différentes parties montrent plus d’empathie et plus d’humilité, que l’État admette «Nous avons commis des abus» », a-t-il déclaré.

L’ancien président (2010-2018), qui a reçu le prix Nobel suite à l’accord de paix de 2016 avec l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), assure que « ce seul geste générerait déjà une réaction très favorable de la contrepartie dans ce conflit spécifique ». Il a estimé que l’image des forces de l’ordre « s’est beaucoup détériorée » du fait de la répression des manifestations.

En ce sens, il a jugé nécessaire une réforme de l’institution policière qui a été « militarisée » depuis des décennies pour combattre les guérillas et le trafic de drogue, et qui dépend du ministère de la défense. Juan Manuel Santos, opposant à l’actuel président, s’est dit prêt à faire office de médiateur pour trouver une issue à la crise, qui génère en outre des pénuries dans certaines régions du fait de barrages routiers.

Les dénonciations d’abus par des agents de la force publique sont au cœur des négociations tendues entre le gouvernement et les représentants de la protestation. La semaine dernière, dans la ville de Popayan (sud), une jeune femme de 17 ans s’est suicidée après avoir été emmenée par des policiers dans les bureaux du procureur local où elle aurait été victime d’abus sexuels, provoquant une forte émotion notamment dans la jeunesse.

Les violences ont fait au moins 50 morts, dont un policier, et plus de 1 600 blessés. Mais le président Duque s’est jusqu’ici refusé à admettre une répression généralisée et s’est limité à condamner des « cas » isolés d’abus policiers. Il dénonce de son côté le « vandalisme alimenté par des groupes armés illégaux » et les barrages routiers, causes de destructions et de pertes économiques élevées. Bien que la plupart des manifestations soient pacifiques et festives, certaines ont été entachées par de violents affrontements et des destructions de commerces, de bus et de postes de police.

L’ONU, l’Union européenne, les États-Unis et des ONG internationales ont dénoncé l’usage disproportionné de la force face aux manifestants. Le 11 mai, la ministre colombienne des affaires étrangères, Claudia Blum, a d’ailleurs présenté sa démission. Le ministre des finances Alberto Carrasquilla, à l’origine du projet de loi d’augmentation de la TVA et d’élargissement de la base de l’impôt sur le revenu qui a mis le feu aux poudres, avait lui démissionné dès le 3 mai.

La quatrième économie d’Amérique latine a pâti d’une chute de 6,8 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2020, d’un chômage de 16,8 % et d’une pauvreté à 42,5 %, alors que près de la moitié de la population active vit d’emplois informels.

Après une accalmie au moment des négociations entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et les Farc dans les années 2010, les tensions politiques se sont à nouveau exacerbées, ce que révèle le nombre record d’assassinats de défenseurs des droits humains. Près de 200 ont été tués en Colombie en 2020, le pire bilan de ces onze dernières années, a dénoncé 20 mai une ONG locale.

Durant la pandémie, les défenseurs des garanties fondamentales « ont plus encore été laissés sans protection et exposés à la violence », indique Somos Defensores dans son rapport annuel. Au total, 199 défenseurs des droits humains et leaders syndicaux ont été tués en 2020, soit une augmentation de 60,4 % par rapport à 2019.

La majorité des assassinats sont survenus dans les trois départements concentrant la plus forte présence militaire : le Cauca et Nariño, au sud-ouest, et Antoquia au nord-ouest. Dans ces départements autrefois aux mains des Farc, le conflit s’est intensifié, différents groupes armés se disputant des milliers d’hectares de cultures de coca et mines d’or illégales. La Colombie est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les militants des droits humains ou environnementaux, selon l’ONG Global Witness.

 

Source La Croix



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